Page soixante-cinq

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23 mars ou 24, ou 25. Je crois.

J'ai fait une connerie Railey, quelque chose de grave. Je suis à l'hôpital. Je ne voulais pas mourir, seulement ne plus être là. J'étais fatigué, j'en avais marre de tout, de tout le monde et tu me manquais. J'y pensais souvent, c'était tout le temps dans ma tête, je voulais seulement te retrouver. Je ne voulais pas mourir, je te le jure, je ne voulais pas mourir.

Pourquoi je n'ai pas senti quand tu es mort ? Tu es mon frère jumeau et je n'ai rien ressenti. Je n'ai pas senti ton accident, je n'ai pas eu mal, je n'ai pas souffert. Je ne comprends pas, on avait ce lien entre jumeaux, ce n'était pas seulement une légende. On a toujours ressenti ce que ressentait l'autre, même quand on n'était pas tous les deux. Quand tu étais malade, je le savais, quand je n'allais pas bien, tu le savais. Je savais toujours ce que tu ressentais, tout le temps, même quand tu essayais de le cacher. On était lié.

Tu as eu un accident et je n'ai rien senti, rien ressenti. Tu es mort sur le coup et moi je dormais, ça ne m'a même pas réveillé. Il n'y a eu aucune connexion entre nous, comme si en mourant aussi brutalement, notre lien s'était brisé lui aussi.

J'étais en train de dormir, pendant que tu étais en train de mourir. J'étais paisiblement allongé dans mon lit, pendant que toi tu perdais la vie. Je ne mérite pas d'être ton frère.

Je ne voulais pas faire ça Railey. Tout le monde criait et courait dans tous les sens, j'ai eu peur, ça m'a fait peur.

C'était un soir, il était tard je crois, ils dormaient, moi je n'y arrivais pas. Je n'arrêtais pas de penser à toi, encore plus que d'habitude et c'est là que j'ai réalisé que je n'avais rien ressenti pour ton accident. Je m'en suis voulu tellement fort que d'un seul coup j'ai eu mal. Vraiment mal, une douleur que tu ne peux pas imaginer. J'ai eu l'impression qu'on me déchirait de l'intérieur.

Tu étais mort. Tu étais mort et je le ressentais enfin. Tu ne reviendrais plus jamais, je ne te reverrais plus jamais. Tu étais mort pour toujours.

Après plusieurs mois à me sentir complètement vide, tout m'est tombé dessus d'un seul coup, tellement fort et tellement violemment que je n'arrivais plus à respirer. Pour de vrai, j'ai vraiment cru que j'allais mourir. Je suffoquais, j'avais besoin d'air, d'eau, de n'importe quoi. Il fallait que je respire.

Je me suis levé pour aller à la salle de bain, je crois que j'ai renversé plein de choses, je n'arrivais pas à marcher. Je me suis cogné au lavabo, ça je le sais car j'ai encore le bleu sur ma tempe, il ne veut pas partir. J'ai vu ton reflet ou le mien, j'ai eu encore plus mal. C'était horrible, insupportable. J'avais envie de vomir. Tout s'est passé très vite. Je ne sais pas comment j'ai cassé le miroir, je sais juste qu'il y avait tous ces bouts de verre par terre, partout autour de moi, que j'en ai attrapé un et je l'ai enfoncé dans mon poignet. J'ai tiré fort. Je n'arrive pas à me souvenir si j'ai ressenti de la douleur ou pas. Papa a débarqué en courant, je crois que j'avais fait du bruit en cassant le miroir. Maman était derrière lui. Brooke se tenait à la porte, je revois encore son regard horrifié.

Je ne me rappelle pas de grand chose, tout est flou. Je sais que j'ai pleuré, beaucoup. Je pleurais tellement fort que je m'étouffais. Je voulais que tu reviennes, qu'on te rende à moi. Je revois maman appuyer une serviette sur mon poignet, il y avait du sang partout. Papa m'a soulevé, il m'a porté. Jade pleurait dans sa chambre quand on est passé dans le couloir.

Brooke est restée avec elle. Je crois que je me suis évanoui dans la voiture. Je me suis réveillé à l'hôpital et le lendemain j'étais transféré ici, toujours dans le même hôpital, mais à un autre étage.

J'ai parlé, quand on était dans la salle de bain, je n'arrêtais pas de prononcer ton prénom. Tu ne m'entendais pas, tu n'es pas arrivé. Je pleurais, je t'appelais, mais tu n'es pas venu. J'ai mal à la gorge depuis.

Je ne voulais pas mourir, j'avais trop mal tu comprends ? J'avais trop mal. Je ne voulais plus avoir mal comme ça, je voulais juste que ça s'arrête, que cette douleur s'en aille. Je n'arrivais plus à respirer, je voulais respirer. Je n'ai pas voulu me suicider Railey. Je ne voulais pas faire ça, je ne sais pas pourquoi je l'ai fait.

Je préférais le vide, que ressentir tout ça. C'est trop dur.

Je t'en supplie, reviens.

Sans ToiWhere stories live. Discover now