Page soixante et une

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Vendredi 1er mars 2019

Cent-cinquante-deux jours. CINQ MOIS. Cinq mois.

Tu es mort depuis cinq mois aujourd'hui. Je vis sans toi depuis presque la moitié d'une année. Je crois que maman l'a oublié. Elle n'a pas organisé de repas, elle n'a invité personne. Pire encore, elle agissait comme si c'était une journée normale. Je lui en veux, ce n'est pas une journée normale aujourd'hui.

Elle et papa m'ont emmené chez le docteur ce matin. Je ne voulais pas y aller. Je ne voulais pas sortir de la maison, surtout pas aujourd'hui. Je voulais rester dans ta chambre et voir personne.

En plus ça s'est mal passé. C'était juste censé être un rendez-vous de contrôle, pour s'assurer que tout se passe bien avec mon nouveau traitement, savoir si je me sentais mieux. Mais il m'a demandé de me peser. Il a dit que j'avais encore perdu un kilo et demi. J'ai vu l'air grave sur son visage et à la fin il a tenu à parler seul à seul avec maman et papa.

Ça m'a énervé. Les gens parlent toujours de moi, sans moi, comme si j'étais devenu invisible ou trop stupide pour comprendre les choses. Je ne le supporte plus, je déteste quand ils font ça.

Même si je ne parle plus, j'existe encore. Moi. Pas toi. Moi j'existe encore et j'en ai marre de tout ça. De tout. Je veux juste qu'on me foute la paix, qu'on me laisse tranquille.

Pourquoi on ne me laisse jamais tranquille ? Jamais.

Tout va mal. J'en ai marre. Je suis fatigué et toi tu n'es plus là.

Sans ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant