Sans Toi

Page cent-cinq

Jeudi 6 juin 2019

Mon rendez-vous d'hier avec Alan s'est bien passé. Je crois que j'ai répondu correctement à tout ce qu'il m'a demandé.

Ashton a dîné avec nous ce soir. J'avais oublié qu'on l'aimait bien et qu'il était sympa. C'est celui qu'on préférait de tous les petits copains de Brooke qu'on a connu. C'est le premier avec qui c'est vraiment sérieux et puis quand tu es mort, il n'est pas parti, il est resté avec elle et il l'a beaucoup soutenu. Je pense que c'est quelqu'un de bien et que tu serais content qu'ils emménagent bientôt ensemble. Enfin, c'est seulement pour la rentrée, elle ne part pas tout de suite et ça me rassure. Je ne sais pas si c'est pour moi qu'elle reste ou si c'est vraiment par rapport à ses études, mais elle est encore à la maison pour l'instant et c'est tout ce qui compte.

Jade me colle partout où je vais, elle est devenue mon ombre. Ça me touche qu'elle ne m'ait pas oublié, mais ce n'est pas facile. J'ai souvent besoin d'être seul et quand je quitte une pièce sans elle, elle se met à pleurer. Des fois, je me force à rester pour elle.

Plus les jours passent et plus je découvre cette vie sans toi. J'avais raison d'avoir peur, parce que c'est dur. Tu n'imagines pas à quel point tu me manques, tous ces moments qu'on passe sans toi, me rappellent le vide que j'ai à l'intérieur de moi. À l'hôpital, même si maman venait me voir presque tous les jours, papa et Brooke de temps en temps, on ne passait pas de moments en famille. Le vide que je ressentais n'était pas le même.

Tu es parti il y a huit mois et c'est toujours aussi difficile Railey. Tout le monde me dit que j'avance, que je fais des progrès, que je dois être fier de moi, mais moi je n'ai pas l'impression d'avancer. J'ai plutôt le sentiment de souvent reculer. C'est dur de réaliser que ma vie va ressembler à ça pour toujours, que chaque jour je vais devoir lutter pour ne pas tomber.

Je prends toujours des médicaments, c'est peut-être pour ça que je ne tombe pas. C'est sûrement grâce à eux. Tu crois que je vais devoir prendre des antidépresseurs jusqu'à ma mort ? Peut-être que ma vie ne sera pas longue, peut-être que moi aussi je vais me faire renverser par un camion. Peut-être que je vais mourir quand je serai très vieux, bien au chaud dans mon lit. Je crois que je n'ai pas envie d'aller dans une maison retraite, ça doit ressembler à l'hôpital.

— Harry