Hello, hello, petite surprise pour aujourd'hui !
Je sais. Je suis en retard - évidemment, je donne une date et je m'y prends à la dernière minute (en fait six heures avant, mais c'était apparemment trop court)... Mais elle est là quand même, c'est l'essentiel, non ? :D
Je voulais essayer de faire une FAQ un peu sympa... alors j'ai tenté un truc, vous me direz si ça a marché ou pas ! Je n'en dis pas plus, seulement que ce n'est pas un chapitre d'Au Cœur des Flammes et qu'il faut donc le lire indépendamment du fil de l'histoire.
PS : A une lectrice qui se reconnaîtra ;)... J'espère que tu n'as pas eu trop mal et que cela te remontera le moral (même si les caramels durs ne peuvent plus le faire...) ;) Avec mon soutiens, j'en ai eu un pendant dix ans :D
Bonne lecture et bonne journée/soirée !
A.
***
— C'est vraiment obligé ? gémit Shade en renversant la tête sur le dossier de sa chaise, sa chemise froissée après une nuit difficile.
— Oui. Alors la ferme, marmonna Crimson en s'asseyant à son tour. Écoute plutôt pourquoi nous sommes tous réunis ici.
— Si l'auteure nous a elle-même convoqué, à cette heure tardive, c'est qu'il doit y avoir un sacré problème, expliqua calmement Zacharyha en croisant les jambes, les bras croisés dans son giron.
L'ange Reaver, assis en bout de table et les yeux braqués sur une petite caméra portative, intervint d'un ton grave :
— Elle arrive, dit-il en tournant l'écran pour que les Frères puissent voir la tache rouge évoluer rapidement à travers les arbres de la Forêt Dense. Et vite.
Un brouhaha se fit soudain entendre dans les couloirs du Manoir, et une jeune femme à la chevelure rousse déboula dans la salle de réunion comme un boulet de canon. Les têtes tournèrent dans sa direction, et ils la virent arracher des espèces de lianes accrochées à sa petite veste en cuir.
— Nom d'un bigorneau, je ne me souvenais pas avoir créé une forêt aussi coriace ! Une vraie plaie, cette végétation folle, marmonna-t-elle en lisant sa jupe, retirant du tissu une feuille gluante qui persistait. Bref. (Elle carra les épaules et affronta les regards des membres de la Confrérie.) Les amis, l'heure est grave ! s'exclama-t-elle.
Le regard de Shade était perplexe.
— C'est qui ? lança le vampire en penchant la tête sur le côté.
Wraith roula des yeux et enroula un doigt autour d'une mèche de cheveux de son alter ego, assise à ses côtés.
— C'est l'auteure, merde, dit-il. T'es con, ou quoi ?
— Wraith... intervint Indigo. Écoutons plutôt ce qu'Anastasia a à nous dire de si urgent. (Elle se leva et s'approcha de la rédactrice. Elles échangèrent une poignée de main à l'aspect compliqué.) Salut, poulette, ça roule ? Tu veux boire quelque chose ?
— Salutos, petit pouletos, ça roule aussi vite que dans un embouteillage, et toi ? (L'auteur se claqua le front en secouant la tête.) Évidemment que tu vas bien. Je suis bête, c'est moi qui t'es créée et qui crée chacun de tes gestes. (Elle chassa l'air d'une main aux ongles bleus électriques.) Mais je n'ai pas le temps pour la boisson, nous avons du boulot.
— Nous ?! s'exclamèrent de concert les Frères.
— Normalement, tu fais tout le job toute seule, reprocha Waive d'un ton venimeux, alors qu'il s'amusait à se dessiner des visages flous et sanguinolents sur les cuisses à l'aide de son couteau.
Anastasia se laissa tomber sur le siège en bout de table, en face de la tête déconfite de Reaver. Se passant une main sur le front, elle soupira.
— Les choses changent, dit-elle fatalement. (Le silence se fit sépulcral dans la pièce. Après un instant de silence, elle reprit la parole.) Ils se posent des questions, ajouta-t-elle comme à regret.
Trez, assis à califourchon sur sa chaise, avant-bras croisés sur le dossier, laissa retomber sa tête en avant.
— C'est pas vrai, gémit-il contre sa peau sombre aux tatouages blancs.
— Il fallait bien qu'une couille arrive à un moment, répliqua Wraith en lissant ses cheveux en arrière d'une main.
L'auteure se racla la gorge et regarda tour à tour les personnes présentes.
— Et l'heure est venue, guerriers. L'heure terrible... des questions.
Des gémissements se firent entendre autour de la tablée. Même Rex le T-Rex geignit, la tête entre ses pattes avant, couché aux pieds de sa maîtresse. Il devait sentir que même lui n'y couperait pas.
Anastasia se racla la gorge et commença le discours qu'elle avait longuement préparé et apprit durant toute une après-midi.
— Il arrive un moment dans la vie d'un auteur où même les lecteurs pensent en lisant mes mots que vous, mes chers personnages, êtes vivants. Ce jour-là... (Elle pinça les lèvres. Et soupira.) Ouais, non. (Anastasia secoua la tête et se passa nerveusement les mains dans les cheveux.) Fichtre, je ne sais pas comment finir cette phrase, rit-elle d'un air coincé. J'ai oublié. Mais j'avais appris, promis !
— Pas grave, dit Crimson en faisant la moue. (Il croisa les bras.) Viens-en au fait.
Anastasia pinça une nouvelle fois les lèvres et hocha la tête, le regard déterminé.
— Tu as raison. Je suis là pour ça, dit en levant la paume vers le ciel. Trez, je te prie ?
Sa main fut soudain enveloppée d'arabesques vertes, et un carnet rose apparut entre ses doigts quand elles se dissipèrent.
— Merci bien. (Elle secoua le cahier.) Tout est là. Commençons, voulez-vous.
— Comme si on avait le choix, de toute manière, marmonna Shade.
L'auteure tourna un long moment les pages, jusqu'à trouver ce qu'elle désirait.
— Ah ! s'écria-t-elle soudain. Là ! Donc... Shade. (Tous les regards se braquèrent sur lui, et il se sentit un peu observé.) Ouh, grimaça Anastasia, question cocasse. Et peut-être pas la meilleure pour commencer, dériva-t-elle. Mais bon, tant pis. Alors, pourquoi bois-tu ? Question que nous nous posons tous.
Shade se recula dans sa chaise en croisant les bras. Il n'aimait pas du tout le sens que prenait cette discussion. Il n'avait rien demandé, merde ! Et il sentait aussi les interrogations muettes de ses Frères. Il avait parfois intercepté un regard de réprobation, mais jamais un Frère n'avait osé lui dire quelque chose sur ses habitudes... Et heureusement. Ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait lâcher l'affaire, même pour les beaux yeux de l'auteure.
Toujours dans la provocation, Shade sortit lentement sa flasque de sa veste. Dévissant au même rythme le bouchon, il la porta à ses lèvres et la vida d'un trait, son regard argenté braqué à celui, gris, de l'auteure. Une fois vide, il prit le temps de la remettre en place, dans sa poche.
— Rien ne m'oblige à répondre à cette question, biaisa-t-il d'un ton traînant.
Anastasia leva les yeux au ciel. On n'allait jamais s'en sortir, à cette vitesse.
— Rien ne t'y oblige. Et puis il est vrai que je connais la vraie raison, moi. (Un sourire sardonique étira lentement ses lèvres rouges.) Et l'idée que je sois la seule à la connaître est assez excitante. Oui, tu as raison, Shade, ne répond pas à cette question, rit-elle.
La jeune femme secoua la tête et les Frères lui lancèrent un regard mauvais. Si lui avait échappé à la sanction – répondre aux questions –, il n'en serait certainement pas de même pour eux. Mentalement, ils insultèrent leur Frère – et il y en a même un qui lança une étoile de jet droit sur son visage.
— Question suivante, reprit Anastasia, destinée aux anges... Waive, Reaver, un mot à nous dire ? Non ? Très bien, ne perdons pas de temps. Vous couchez vraiment ensemble ?
Reaver se dandina sur sa chaise, et un rictus fleurit sur le visage ravagé de Waive. Il enfonça son poignard plus loin dans sa chair.
— Waive, arrête un peu ton cirque, ordonna-t-elle en levant les yeux au ciel. Tu es déjà bien assez étrange comme ça, pas besoin d'en rajouter une couche. Tu couches avec ton frère, oui ou non ?
— Oui et non, répondit-il tranquillement, en totale contradiction avec la brutalité dont il faisait part sur sa peau. (Il haussa une épaule.) Ça dépend.
Crimson fronça les sourcils. Il s'apprêtait à ouvrir la bouche pour dire quelque chose, mais Reaver le pria de se taire d'un simple coup d'œil. Le dragon renonça sous l'expression soulagée de l'ange.
— Euh... commença l'auteure en levant un sourcil. OK. (Un pli se forma entre ses yeux.) Et donc, ça veut dire quoi ?
— Ce que ça veut dire.
Anastasia souffla en gonflant les joues, posant sans délicatesse le cahier sur la table. D'un bond, elle se leva, les pieds de la chaise raclant bruyamment contre le parquet. Les paumes à plats contre le bureau, elle se pencha en avant et les dévisagea l'un après l'autre.
— Qu'on soit bien clair, mes petits pépères. (Sa voix se durcit.) Les questions, on y répond, on ne les esquive pas. Le prochain qui dérive, je... lui explose le pif. Ou je lui écris une histoire de crotte de pigeon diarrhéique. Pigé ? (Elle pivota vers le démon du groupe.) Wraith ?
— Pigé, soupira-t-il.
— Tant mieux, parce que la prochaine question est pour toi.
— Fais chier.
Anastasia releva la tête de son cahier.
— Hein ?
Wraith se renfrogna.
— Rien.
—T'en as pas marre, de faire ton gros dur ?
Il fronça les sourcils. Avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche pour proférer un juron – Anastasia le connaissait trop bien –, elle le devança :
— Et oui, c'est une vraie question, posée par une vraie lectrice, qui est vivante en vrai. T'en as pas marre, de faire ton gros dur ?
Wraith ravala ses insultes et focalisa son regard dans un angle du plafond – un peu comme s'il était persuadé qu'il faisait face à une caméra et qu'en regardant par-là, il tomberait directement dans le regard de la lectrice en question. Le pauvre. Anastasia n'eut pas à cœur de briser sa – plus ou moins – bonne volonté. Il n'y avait aucune caméra, et il tournait le dos aux spectateurs. Mais bon, il répondait aux questions, c'était déjà pas mal. On ne pouvait pas trop lui en demander.
— Je ne fais pas mon gros dur, putain, cracha-t-il. Je fais ce qu'il faut pour protéger ma femelle. Et vous n'avez pas à me juger, de toute manière, bande d'ignorants, s'emporta-t-il en se levant. Vos habitudes d'humains sont complètement connes. (Ses yeux flashèrent.) Pourquoi faire passer en priorité les femmes en leur ouvrant galamment la porte, alors que vous ne savez même pas quel danger se cache à l'intérieur ? Vous êtes complètement cons et cela ne changera p...
— On a compris, on a compris, Wraith ! intervint soudain Indigo en se levant pour le faire se rassoir. Calme-toi, par Tunghlad ! Ce n'était qu'une toute petite question.
— Une question chiante.
Anastasia se massa l'arête du nez.
—Question suivante ? l'aida Reaver avec un sourire encourageant.
L'auteure se redressa sur son séant.
—Finissons-en. Indigo, je suis désolée de te dire ça, ma gazelle en sucre roux, mais je dois te le dire...
— Pas de problème, Anas l'Ananas.
— Pourquoi n'as-tu pas résisté, quand on t'a arraché les ailes ?
Un silence de plomb parcouru les rangs. Indigo finit par se racler la gorge.
— On est obligé de parler de ça devant Wraith ?
Anastasia haussa les épaules. Peu lui importait, elle voulait simplement des réponses. Avec ou sans lui, c'était un peu du pareil au même.
— C'est bon, mea. Je gère.
Indigo posa sa main délicate sur celle de Wraith, serrée autour de l'accoudoir du siège. Il n'avait pas l'air de gérer, avec ses doigts crispés, son visage dur et sa respiration un peu trop rapide, mais Anastasia ne préféra pas insister.
— J'ai résisté, avoua-t-elle. Je ne voulais pas qu'on m'arrache mes ailes. C'est une fierté. (Un grondement involontaire sortit de la poitrine de Wraith. Indigo passa son pouce sur ses phalanges abîmées en une caresse apaisante, tout en continuant à parler.) Je savais que c'était très douloureux et que c'était vu par la communauté comme une honte, mais je n'ai pas eu le choix – ni mon mot à dire. On m'a plaquée au sol – des membres de ma famille m'ont plaquée au sol. Parfois, il m'arrive encore de ressentir le poids de ma mère en plein milieu de mon dos, chuchota la walkyrie. On me maintenait les épaules, les jambes, les pieds, les bras et même la tête au sol. Même avec toute la volonté du monde, je n'aurais pas pu bouger, alors que j'avais tous ces poids sur moi.
Quand Anastasia laissa glisser son regard sur Wraith, elle le découvrit les yeux fermés. Il se balançait imperceptiblement de gauche à droite. Un nouveau rituel de gestion de la colère ? Comme s'il sentait qu'on l'observait, il ouvrit brutalement les paupières, pour tomber directement dans son regard gris. Ses yeux étaient complètement sombres, et la fureur du démon était palpable.
— Je ne suis pas restée immobile, continua Indigo, je me suis battue tant que j'ai pu, comme une morue qui refuse de se faire transformer en brandade. Mais quand j'ai senti le premier coup de machette dans mon aile, j'avoue que la douleur m'a terrassée. À ce moment, je ne pensais plus à lutter... je ne pensais qu'à rester en vie. (Elle sourit et continua d'un ton excessivement joyeux :) Voilà, fin de l'histoire !
Anastasia se racla la gorge. Elle savait la douleur qu'Indigo avait subit – c'était elle qui avait inventé son histoire et décrit les malheurs vécus – mais elle n'arrivait toujours pas à s'y faire. Elle chassa la boule qui s'était logé quelque part dans sa trachée en se détournant du couple occupé à se réconforté mutuellement, se tournant vers le prochain à passer à la casserole.
— Prochaine question destinée à Crimson ; tu es vraiment le dernier dragon au monde ?
— Oui.
Réponse claire et concise. Débordante de désespoir, de douleur et de solitude, mais claire et conquise. Venant de lui, c'était assez. Elle se détourna.
— Waive, pourquoi... (Elle relut trois fois la question avant d'oser la poser en regardant son visage.) Pourquoi fais-tu peur ?
L'ange déchu redressa la tête de son occupation à l'entente de son prénom. Visiblement, même s'il avait l'air de se moquer de tout ce qui n'était pas mutilations et douleurs, il suivait quand même la discussion d'une oreille. Bon point.
Alors qu'il essuyait la lame tachée de son propre sang sur son pantalon, son regard sombre braqué à celui d'Anastasia, un rictus machiavélique sépara lentement son visage en deux.
— Les lecteurs trouvent que je fais peur ?
L'auteure hocha la tête en portant un stylo à sa bouche pour en mordiller le bouchon.
— Et pas qu'un peu. (Elle baissa la tête pour consulter rapidement ses feuillets. Sa voix sortait un peu modifiée par le bouchon pendant entre ses lèvres.) Selon les statistiques des commentaires te concernant, les mots « terrifiant », « fait flippé », « taré », « étrange » et « putain je n'aimerais pas me retrouver seule avec lui ! » – entre autres, bien sûr – sont ceux qui ressortent le plus souvent, répondit Anastasia, un peu mal à l'aise.
Un ricanement étouffé sortit de la poitrine de Shade. Aussitôt, le regard acéré de Waive se riva au sien. Dans ce mouvement rapide, les piercings de son visage renvoyèrent la lumière trop vive de la pièce. L'auteure ne se souvenait plus du nombre exact de bout de métal qui ornait son visage, mais il y en avait une grosse quantité. L'œillade que l'ange déchu adressa ensuite au vampire aurait encore fait jaser les lecteurs sur son côté effrayant.
— Ils pensent que je suis effrayant ? (Waive redressa la lèvre à la manière d'une bête sauvage, et un morceau du tatouage « pain » qui ornait sa gencive supérieure fut visible un court instant.) Ils ne savent pas à quel point, putain. Ces pauvres humains n'ont encore rien vu.
— Euh... bien. (Sans aucune déconcentration, elle cracha le bouchon sur la table. D'un doigt, elle se gratta la tête, un air embêté sur le visage.) Même s'ils ne sont pas dans cette pièce, j'ai une question à adresser aux méchants. (Elle haussa les épaules.) On verra ce que ça donne... Vous en avez pas marre, de faire chier votre monde ? demanda-t-elle en haussant la voix, la tête rejetée en arrière.
Aussitôt, un petit bip résonna dans la salle. Reaver se tortilla sur sa chaise ; il extirpa de la poche de son pantalon un téléphone portable.
Il fronça les sourcils.
— Numéro inconnu.
— Qui dit quoi ? demanda l'auteure, qui le savait déjà.
— Simplement « Non ».
— Bon et bien nous avons notre réponse, sourit-elle. Les méchants ne sont pas prêt d'avoir finit de faire chier leur monde.
Anastasia se tourna vers le Psi de la bande.
— Zach...
— Zacharyha, coupa-t-il en détachant les syllabes, un air pincé déformant le pli de sa bouche.
— Oui, oui, pardon. Zacharyha, sais-tu que même si tu es un peu chiant sur les bords, Wraith t'aime un peu ?
Le Psi se recula dans sa chaise, stoïque, et on entendit Wraith s'outrer de ce constat.
— Qui est le connard qui a dit ça, que je lui fasse bouffer les pissenlits par la racine ? s'écria-t-il en se penchant en avant.
— Arrête avec tes gros mots ! souffla Indigo en lui donnant un coup de coude dans les côtes.
— Mais c'est complètement faux, bordel ! s'exclama le démon en se penchant cette fois vers sa compagne.
— Je ne vois en quoi une quelconque relation avec moi pourrait lui être bénéfique, ajouta avec précaution Zacharyha. Et je ne me considère pas comme étant ennuyant.
Wraith se pencha alors sur le Psi, avec l'intention de lui mettre les points sur les « i », mais Anastasia secoua rapidement la tête et il abandonna, pour le bien de tous.
— Rex le T-Rex, appela l'auteure. (Les oreilles du chien frémirent et s'orientèrent au son de sa voix, mais il n'ouvrit pas les paupières. Flemmard.) Rex, est-ce que tu parles ?
Il ne bougea pas, et ne fit aucun geste. Il ne se dressa pas sur ses pattes arrières pour marcher sur ses deux pieds, ne s'épousseta pas les poils et ne courut pas chercher des vêtements, affolé, en s'apercevant qu'il était nu. Il ne se présenta pas non plus en disant qu'il s'appelait en réalité Jacques. Toute la pièce en convint, il ne savait pas faire grand-chose. Enfin du moins, personne ne l'avait jamais entendu parler.
—Bon et bien les amis (Anastasia se leva précipitamment, serrant son carnet contre sa poitrine) je crois qu'il est temps de se dire au-revoir. (Elle frappa sa main libre sur le bureau.) Hop. Fin des questions.
Trez fronça les sourcils.
— Et toi ? lui dit-il, une étincelle soupçonneuse dans son regard.
Un sourire crispé orna les lèvres de la jeune auteure.
— Quoi, moi ?
— Donne-moi ton livre, ordonna le sorcier.
Avant même qu'elle puisse s'outrager de cette demande, venant directement de son subalterne, le carnet disparut dans une volute de fumée pour atterrir entre les mains du sorcier. Un ricanement lui échappa quand il le feuilleta rapidement.
— C'est pas vrai, tu croyais vraiment nous avoir d'une manière aussi vile ?
— Quoi ? intervint Wraith.
Trez tourna les pages noircies dans la direction des Frères.
— Des questions. Pour l'auteure.
— Tu crois toujours que tu vas nous berner ? railla le démon.
Anastasia se laissa retomber dans son fauteuil en soupirant.
— Maintenant, j'en doute un peu.
— Tu nous as fait chier pour tes questions de merde, menaça Waive sans même lever le regard de ce qu'il était en train de faire – se graver des lignes parallèles le long de l'avant-bras. À ton tour.
Un sourire qui laissait voir ses longues canines étira les lèvres du vampire
— On ne te laissera pas partir, ajouta-t-il.
L'auteure haussa un sourcil.
— Vous êtes au courant que c'est moi qui écris cette histoire, les gars ? Je pourrais très bien faire apparaître un balai volant pour sortir d'ici en triple vitesse et rentrer chez moi – tout en vous faisant vous roulez par terre, victimes de diarrhée, histoire que vous ne soyez pas tentés de me courir après.
Un air agacé parcourut les rangs. Évidemment, elle pourrait très bien le faire – et ils le savaient pertinemment, c'était la seule raison pour laquelle ils n'insistaient pas davantage. Mais en même temps...
— Bon OK, capitula-t-elle. Mais vite.
— Très bien, acquiesça Trez en baissant le regard sur les questions gribouillées à l'arrache. Premièrement, ils te demandent ton prénom.
L'auteure roula des yeux.
— Comme si je ne l'avais pas assez depuis le début de cette partie...
— Dis-le, pressa Wraith.
— Anastasia. Et ne chercher pas, prévint-elle en levant un doigt, je ne dévoilerais pas mes autres prénoms, ils sont bien trop honteux.
Trez soupira, mais il n'insista pas.
—Tu vis où ?
—France, Rhône-Alpes, Haute-Savoie, village de six milles habitants, près d'Annecy pour les connaisseurs, lista-t-elle d'un ton monocorde en posant sa tête en arrière sur le dossier de la chaise.
— Tu as un aliment préféré ?
— Euh... non. Je n'aime pas manger, je trouve que c'est une perte de temps.
— Et un pokémon ?
— Je ne connais que la chanson du générique... Je n'ai jamais suivi aucun des épisodes, je l'avoue enfin. Je seul nom que j'ai retenu est pikachu, mais je ne sais pas ce qu'il fait, à part des éclairs.
Reaver lui lança un regard étrange. Elle choisit de ne pas l'interpréter.
— Est-ce que tu lis beaucoup de « vrais » livres ?
— Je lis entre trois et quatre livres par semaines, voire un peu plus pendant les vacances... est-ce que c'est beaucoup ? grimaça-t-elle. Je ne lis plus vraiment sur Wattpad. Uniquement sur liseuse ou en version papier.
— Et que lis-tu en ce moment ?
— J'ai terminé hier le tome 3 des Seigneurs de l'Ombre de Gena Showalter – c'était super, en passant. (Elle fronça les sourcils.) Il y en a dix-neuf en tout, il me semble.
— Tu écris depuis quand, et à quelle fréquence ?
— Depuis mon entrée au lycée. Et, hum, c'est assez aléatoire. Certains jours, je peux rester plus de neuf heures assise sur ma chaise à écrire vos histoires, expliqua-t-elle à ses personnages, et d'autres jours, je n'arrive pas à aligner trois phrases... Ce n'est jamais un problème de page blanche – je sais où va mon histoire et ce qu'il doit se passer à tel ou tel moment – mais plutôt un problème de qualité. Comme je suis très – trop – perfectionniste, parfois les phrases que j'écris – même en les tournant dans tous les sens – ne me vont tout simplement pas. Dans ces cas-là, je ferme mon ordinateur et je lis un livre plutôt que d'écrire un truc qui ne me plaît pas.
— Tu as un rituel d'écriture un peu cul-cul ?
Anastasia sourit en secouant doucement la tête.
— C'est un peu ridicule, mais je n'arrive pas à écrire si je n'ai pas une bougie allumée à la droite de mon ordinateur, et une tasse de thé à proximité. Je n'écris pratiquement que la nuit, alors que la maison est endormie et que j'entends de rares voitures passer dans la rue. Ensuite, je n'écris vos aventures qu'à mon bureau situé dans ma chambre ou alors sur la table de la salle à manger, à une place bien précise – les autres ne fonctionnent pas, j'ai testé plusieurs fois, mais rien à faire, ça ne veut pas. Il m'arrive aussi de me rendre à la bibliothèque, avec mon thermos de thé – qui déborde à chaque fois, alors j'ai pris pour habitude de le transporter dans un sac plastique, même si c'est un peu... bruyant quand je bois.
La tablée rit et Trez dût attendre que les membres de la Confrérie se calment pour continuer son interrogatoire.
— Tu comptes faire un tome pour chaque membre ?
Cette fois, dix paires d'yeux se rivèrent à elle, des yeux plein d'espoir. Ses lèvres s'étirèrent.
— Oui. Les titres provisoires sont dans la description de mon profil. Bande de petits curieux.
— Une publication en format papier est envisagée ?
— J'aimerais bien, évidemment, mais ce n'est vraiment pas pour tout de suite ! s'exclama-t-elle en levant les mains devant elle. Il faudrait déjà que j'écrive au moins plusieurs tomes à l'avance avant de me lancer dans un projet de cette envergure, et que je refasse une réécriture de tous ces tomes... Pas pour tout de suite, donc – mais probablement plus tard, quand je serais « grande », ajouta-t-elle avec un sourire et les yeux brillants.
— Tu as quel âge, au fait ?
Des têtes se penchèrent sur le côté, un peu curieuses.
— Dix-huit ans depuis avril, dit-elle fièrement. J'ai commencé à publier l'histoire de Wraith et Indigo en janvier – déjà depuis huit mois, saperlipopette ! – mais j'ai commencé à l'écrire bien avant, donc on peut dire que j'ai débuté la rédaction de ce livre quand j'avais (elle fit mine de réfléchir, un doigt sur le menton)... seize ans et des poussières.
— Quand sort Esclave du plaisir des Loups ?
— Alors là... bonne question. (Elle grimaça.) J'ai pris pas mal de retard, et je n'ai que quatre chapitres de prêt pour le moment. Pour qu'il y ait un rythme de publication assez stable, il faudrait que j'en ai au moins... une petite quinzaine à l'avance.
— Est-ce que tu as hâte d'écrire l'histoire d'un des membres de la Confrérie en particulier ?
— J'ai tellement hâte ! Surtout celle de... c'est dur de choisir. Celle du métamorphe Hawke, qui as peur des femmes, celle de Shade – que j'ai déjà commencée –, celle de Crimson, qui est seul au monde, celle des jumeaux Waive et Reaver avec leurs tendances bizarres... Toutes en fait !
— Tu as un personnage préféré ?
Des regards perçants et plissés la plaquèrent sur place. Oups, il fallait faire attention à ce qu'elle allait dire...
— Bien sûr que non. (Elle se tourna vers les spectateurs et dit rapidement :) Enfaitsi,maisjenepeuxpaslediremaintenant,sivousvoyezcequejeveuxdire...
Elle fit un clin d'œil et montra discrètement Wraith, puis Waive et Hawke d'un mouvement de tête infime.
— Indigo est-elle inspirée de toi ou d'un membre de ton entourage ? continua Trez alors qu'Anastasia avait le sourire aux lèvres.
Elle fit la moue.
— Je pense que oui, mais je n'en suis pas trop sûre. C'est un peu compliqué à expliquer... Je dirais que je parle un peu comme elle, mais en moins exagéré, et nos réactions sont un peu similaire, mais les miennes sont un peu plus atténuées. (Elle secoua la tête.) Bon clairement... c'est pas pareil, mais un peu quand même, non ?
Trez fronça les sourcils en avisant la ligne suivante.
— Euh... il y a une dernière question, mais elle est un peu bizarre.
— Pourquoi ? s'enquit Anastasia. Ne me dis pas que j'ai mal écris, je me suis appliqué, nom d'un chien !
— Ça dit : Je peux être ta lectrice préférée ? Je t'aime.
— Oh, comme c'est mignon, s'exclama Indigo en posant les mains sur son cœur.
— Qui est-ce qui a dit ça ? demanda l'auteur en se levant pour se pencher sur le cahier.
— Ce n'est pas écrit...
— Ah. (Anastasia fit la moue, embêtée. Elle était un peu tête en l'air, en oubliant même de noter les sources des questions. Aucun problème, que des solutions !) Et bien oui, tu peux être ma lectrice préférée, qui que tu sois. Moi aussi je t'aime, je t'aime jusqu'à la lune, sourit Anastasia.
— Et moi jusqu'au soleil, il est aussi chaud que toi ! s'exclama Shade en essayant de faire tenir en équilibre sa chaise sur deux de ses pieds, évitant de justesse la tape que lui envoya Indigo.
D'un claquement de doigts, un balai volant apparut près de l'auteure. L'enfourchant d'un bond, elle adressa un signe de main à l'assemblée. Les Frères avaient l'air un peu trop soulagés de son départ. La prochaine fois, elle ferait pire. Elle allait leur concocter quelque chose de bien pire.
— À très bientôt, mes personnages qui prennent vie grâce aux lecteurs !
— Hé ! s'exclamèrent-ils en cœur, sourcils froncés.
— Pas besoin de nous le rappeler, marmonna quelqu'un.
S'envolant à toute berzingue vers la fenêtre entrouverte, Anastasia prit la route pour retourner dans son petit village, déjà épuisée par le chemin à faire. Changer de monde, ce n'était pas la porte à côté.
En entendant un gros craquement puis le bruit d'un corps qui chute, elle sourit mystérieusement, resserrant les doigts autour du manche en bois. C'était cool, d'être une auteure. Elle savait que Shade était tombé à force de s'être balancé sur sa chaise, et que les pieds brisés étaient autour de lui. D'un moment à l'autre, les Frères et Indigo allaient se moquer gentiment de lui.
Cela ne manqua pas ; un brouhaha joyeux et tonitruant enfla aussitôt entre les murs du Manoir.
En esquivant un gros nuage noir, Anastasia songea au fait qu'une seule question n'avait pas été posée.
Qu'allaient-ils tous devenir ?