— Je veux te sentir.
Le dernier mot avait été prononcé avec tellement d'envie qu'Indigo se sentit fondre de l'intérieur et dut serrer les cuisses. Elle leva une main et effleura le visage de Wraith du bout des doigts. À son contact, il ferma les paupières et s'appuya contre sa main jusqu'à ce que sa paume englobe la joue du démon. Il émit alors plusieurs sortes de sons, un peu étranges, qui auraient aisément pu passer pour ceux d'un chaton – bon, d'accord, le volume des vibrations atteignait plus ceux d'un énorme tigre que ceux d'un mini bébé poilu, mais quand même. C'était attendrissant.
— Fais ce dont tu as envie. Je sais que tu ne feras rien que tu regretteras plus tard.
Elle aussi avait envie de le sentir contre elle. Même en démon, il restait Wraith, non ?
— Tu as donc réellement confiance en moi... souffla-t-il, les yeux s'ouvrant un peu plus, comme émerveillés.
— Oui.
— D'accord.
Sur ces mots, il se pencha vers une mèche de ses cheveux, toujours maintenu au-dessus d'elle par la seule force de ses avant-bras. Les veines qui ressortaient sur sa peau bronzée le rendait plus sexy que jamais – sauf quand il était nu ; il était sexy en diable sans vêtements.
Elle l'entendit prendre une profonde inspiration. Puis gémir. Ce son fit sourdre de son sexe un liquide brûlant. Elle serra derechef les cuisses. C'était donc à ça qu'il pensait quand il disait qu'il voulait me sentir. C'était vraiment pour me sentir. Avec son nez. Pas avec son zizi. Elle s'auto-traita ensuite d'obsédée. Penché comme il l'était, son épaule massive se retrouvait à proximité de son odorat. Elle inspira elle aussi, plus discrètement que lui toutefois.
Cèdre. Cuir. Musc. Fumée. Force. Sexe. Oh, oui. Sexe. Indéniablement, sexe. Le gémissement qui menaçait de franchir la barrière de ses lèvres ne les passa jamais.
Il prit une autre grande – et interminable – respiration, qui fit se frôler leur torse, et se redressa, un air extatique sur le visage.
— L'odeur de mon alter ego est si bonne.
Un air triste passa brièvement sur ses traits.
— Que t'arrives-t-il ? demanda Indigo.
— J'ai toujours envie de sentir ton odeur, expliqua-t-il. Partout. Sur tout. Dans mon lit, ma chambre. (Ses yeux s'enflammaient tandis qu'il parlait. C'était un spectacle magnifique.) Sur moi, ma peau. Partout. Et mon odeur partout sur toi, aussi. Ancrée sur toi. Et en toi. Oui. En. Toi. Moi en toi.
Il émit un son rauque et grave, qui sortait directement du cœur de sa poitrine. Indigo remarqua qu'une odeur de fumée enflait dans le petit salon, à mesure qu'il attisait son fantasme. Elle pria pour qu'il ne mette pas le feu aux rideaux.
— Hmmm, oui. Mon odeur tout en toi, partout. Et mon sperme. Ouais, mon sperme aussi. En toi. Partout.
Indigo se retrouva avec la bouche sèche, la respiration difficile et la culotte trempée. Il respira soudain plus vite et elle vit qu'il plantait brièvement ses dents dans sa lèvre inférieure, comme pour empêcher un de ses habituels grondements de sortir. Il fut alors impossible pour Indigo de penser à autre chose qu'à l'embrasser. Elle déglutit avec un peu de difficulté sous son regard ardent mais réussit néanmoins à sortir quelques mots.
— Moi aussi j'aime avoir ton odeur sur mon corps.
Si précédemment ces yeux étaient enflammés, ils étaient maintenant incandescents. Un véritable brasier. Du coin de l'œil, Indigo vit les biceps qui encadraient sa tête se bander tandis qu'il s'abaissait de manière à coller son corps sur le sien. Un geste rapide, brusque et animal. Instinctif.
Collés ainsi l'un contre l'autre, Indigo prit alors la mesure du désir qui habitait le démon. Une monstrueuse érection se pressait contre son ventre. Son bas-ventre se tordit intérieurement.
— J'aime être contre toi.
Il se redressa soudain d'un coup, arracha le pull de la jeune femme et fit subir le même traitement à son t-shirt. Lorsqu'il reprit place sur elle, la peau bouillante du démon réchauffa celle, naturellement glacée, d'Indigo.
— C'est mieux comme ça, non ? gronda-t-il.
La jeune femme déglutit.
— Oui, c'est mieux comme ça. Si tu veux.
Peau contre peau, il posa brièvement son front contre le sien. L'intimité et la douceur de ce geste lui fit quelque chose. C'était... bien. Elle ne voulait pas que cela s'arrête. La solitude dans laquelle elle était continuellement plongée avant de rencontrer les membres de la Confrérie... elle ne voulait plus de cela.
Le démon frottait son nez contre celui de la jeune femme avant de passer à sa tempe, la naissance de ses cheveux, sa joue. Parfois, il semait des baisers légers comme les ailes d'un papillon sur sa peau. Ces petits gestes, qu'Indigo n'avait jamais connu, faisaient accélérer son cœur. Elle appréciait beaucoup ces sensations. Le guerrier fit courir son nez le long de la colonne de sa gorge. Elle prit conscience qu'il s'était légèrement reculé quand elle sentit son souffle chaud la caresser tandis qu'il entrouvrait les lèvres, ses yeux sombres rivés au creux de sa gorge. De temps en temps, il se frottait contre elle en grondant. Indigo suspectait qu'il faisait cela pour déposer son odeur sur elle.
— Voir ce dessin sur toi me fait bander.
Indigo inspira brusquement. On avait déjà fait une allusion à un tatouage plus tôt, mais même en s'observant sous toutes les coutures dans le miroir, elle n'avait rien vu de tel.
— De quoi tu parles ?
— Il n'est pas visible aux yeux des femelles, mais tu portes ma marque sur toi. Elle sert à prévenir les connards intéressés que tu es à moi. Et qu'ils crèveront s'ils te touchent. Parce que t'es mienne. (Il scruta son visage à la recherche d'un signe indiquant un quelconque énervement. Il fronça les sourcils.) T'es pas fâchée ? C'est ma marque, elle représente des flammes, comme je suis un deamonn de feu, précisa-t-il. C'est joli.
— Non, ça va. (Elle fronça à son tour les sourcils en réfléchissant.) C'est bizarre, d'ailleurs, non ? Tu me marques, exactement comme un chien, et pourtant, je ne suis pas en colère contre toi.
Wraith haussa les sourcils et un sourire emplit de malice fit pétiller ses yeux ternes.
— Je ne marque pas comme un chien, mea. Je te marque comme ma femme.
Indigo leva les yeux au ciel, mais ne put empêcher ses lèvres de s'étirer ni son rythme cardiaque de ressembler à celui d'un tambour.
— J'ai fais poser une puce sur Rex, pour ne pas que quelqu'un d'autre me le prenne, rétorqua-t-elle. C'est la même chose.
Il secoua la tête, ses cheveux effleurèrent le visage de la jeune femme.
— Tu as fais ça pour qu'il te soit rendu s'il se perd. Parce que tu tiens à lui. Et que tu ne veux pas le perdre, putain. Tu tiens à lui. Tu ne veux pas que ce soit un autre qui l'ai. (L'étincelle qui était brièvement apparue dans son regard s'envola brusquement. Sa voix devint aussi rêche que du papier de verre. Elle entendit ses poings se serrer et ses jointures craquer. Crotte de bique, pensa-t-elle. Mayday, mayday, on l'a perdu !) Que ce soit un autre qui lui parle. Qui le nourrisse. Qui l'amuse. Qui le caresse. Qui le possède. (Un grondement sortit de ses entrailles.) Qui le baise.
Indigo encadra son visage de ses mains, même si on lui avait toujours dit de ne jamais approcher une bête sauvage aveuglée par ses craintes. Peut-être que si elle était la seule à être assez folle pour entrer dans son champ de vision, il ne verrait qu'elle et se calmerait ? Elle n'avait pas d'autres alternatives, de toute manière. Il fallait absolument qu'elle désamorce la situation avant que le démon ne pète un câble. Serait-il capable de lui faire du mal ? Wraith s'en voudrait atrocement quand il reprendrait le contrôle. Mais Indigo rejeta immédiatement cette idée. Aucun mal ne lui serait fait, elle en était certaine. Pour désengorger cette atmosphère où les tensions auraient pu se couper au couteau, elle rit. Si son rire semblait plus que crispé, Wraith ne parut pas s'en outrer. Il pencha la tête sur le côté et baissa légèrement les paupières.
Indigo adressa une prière muette à Tunghlad pour les mots qu'elle allait prononcer. Elle plaqua un sourire sur sa face, espérant qu'il s'entendrait dans sa voix.
— Personne ne va baiser mon chien, enfin !
— Encore... souffla-t-il en relevant un court instant les paupières, toute trace de rage dans la voix envolée.
— Je ne dirais pas d'autre gros mots, Wraith.
— Non... (Il secoua doucement la tête.) Ris encore. (Une pause.) S'il te plaît.
La tournure qu'avait prit ses pensées fut si différente de ce à quoi il faisait référence, qu'elle ne fut s'empêcher d'obtempérer. Il voulait juste l'entendre... rire. Si étrange que cela puisse paraître. S'il ne fallait que cela pour la calmer, elle allait se faire une joie de s'en occuper.
— C'est tellement beau.
Il plongea soudain la tête en direction de sa poitrine, l'oreille collée à son cœur.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— J'écoute, murmura-t-il en fermant les yeux.
Comme il avait l'air de bien apprécier, elle continua. Lorsqu'elle fut à bout de souffle, elle remarqua que le guerrier était immobile, toujours contre elle, une mèche de ses cheveux entourée autour de son poing, comme pour la retenir de s'en aller.
Elle voulut l'appeler, mais elle hésita. Ce n'était pas vraiment Wraith... et Démon semblait bien trop agressif comme nom. Est-ce qu'il avait un prénom ? Il faudra qu'elle pose la question à Wraith plus tard. Du coup, elle opta pour un :
— Hé ?
Elle n'eut pas de réponse. Se tordant le cou, elle se rendit compte qu'il avait les paupières fermées, sa respiration calme et profonde. Elle sentit ses lèvres s'étirer en un doux sourire.
Le démon s'était endormi sur elle.