57.C'est pas du sexe, ça a jamais été du sexe.

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Bizarrement, leur coin de la dernière fois, entre le mur de conserves de sauce tomate douteuse, et la caisse pleine de paquets de riz en guise de coussins, était devenu un lieu de rendez-vous

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Bizarrement, leur coin de la dernière fois, entre le mur de conserves de sauce tomate douteuse, et la caisse pleine de paquets de riz en guise de coussins, était devenu un lieu de rendez-vous. Parfois, Rose s'asseyait dans le riz, parfois c'était Merle. Des fois, il restait debout et marchait en rond, tournait comme une sorte de tigre en cage quand le thème que prenait la conversation ne lui plaisait pas. Elle ne s'en inquiétait pas, elle avait déjà remarqué ça chez lui. Il avait du mal à rester assis longtemps. Souvent, il jouait avec un truc entre ses doigts, faisait tourner et retourner une boite de tomate, jonglait avec ses clefs de voiture. Un jour, sans même y accorder d'attention particulièrement, il avait dégainé et rengainé rapidement entre ses doigts un couteau-papillon tiré d'une poche, le pliant et le dépliant à toute vitesse selon un mécanisme fascinant, les parties pliables de l'arme roulant, virevoltant entre des doigts si agiles et vifs à force de pratique qu'on ne comprenait absolument pas ce qu'ils faisaient.

Ils se parlaient ici, dans le hangar, aux heures où il était déserté, plutôt qu'au cabinet.
Parce que si on allait chez le médecin, ça voulait dire qu'on était malade, ou cassé, que quelque chose dysfonctionnait. Et lui, il n'était ni cassé ni malade, il allait fabuleusement normalement, merci bien.
Mais parler avec Rose, si c'était en dehors, et ben... c'était juste discuter, après tout, non ?
Ça ne devenait pas une partie de plaisir pour autant, de causer de ces trucs-là.

Le jour du couteau-papillon, il avait été particulièrement nerveux et réticent.

« Franchement, qu'est-ce que ça m'apporterait d't'en parler à toi ? J'veux dire, ça changerait quoi ? »

Merle cachait comme d'habitude son malaise sous une épaisse couche de nonchalance et de cynisme. Il la testait, en fait, il la défiait.
Convaincs-moi.

« C'est même pas comme si t'allais m'passer d'la pommade, t'es la personne la moins sympathique du monde.
- Je suis peut-être pas sympa, avait rétorqué McGowan, mais j'ai des réponses aux questions que tu te poses.
- Ah ouais, et qu'est-ce qui t'fait croire, pour commencer, que j'me pose des questions ?
- Ce qu'on t'a fait, est-ce que tu l'as fait subir à ton tour à quelqu'un d'autre ?
- Bien sûr que non ! »

Le petit couteau avait brutalement claqué en position ouverte. Sous l'accès de surprise, de fureur, de dénégation, l'immédiat besoin de se défendre d'une telle accusation. Comment pouvait-elle seulement insinuer qu'il aurait pu...

« Fais gaffe à c'que tu racontes ! J'ai jamais fait ça, t'entends, jamais ! Et je l'frai jamais!
- Et est-ce que tu sais pourquoi ? » rétorqua-t-elle tranquillement.

Il avait reprit son manège avec le papillon, un peu plus lentement. La lame semblait passer et repasser magiquement à travers ses doigts comme s'ils étaient transparents.

« Comment ça pourquoi ? C'est quoi cette question de con ? T'as vraiment besoin que j'réponde à ça ? Parce que c'est pas des trucs à faire, voilà pourquoi. Faut être un monstre, un foutu détraqué, pour faire des trucs pareils.
- Il y a beaucoup d'hommes qui le font, pourtant. Est-ce que tu sais pourquoi ?
- J'viens de l'dire, c'est des saloperies de détraqués d'merde.
- C'est un poil plus complexe que ça, Merle. »

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant