77. Dans cette ville, je suis le seul capable de garder un secret.

156 22 95
                                    

Hazel, retranchée dans l'ombre de la plateforme à l'arrière de la ville, celle où le Gouverneur aimait venir frapper ses balles de golf, ni disait pas un mot

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

Hazel, retranchée dans l'ombre de la plateforme à l'arrière de la ville, celle où le Gouverneur aimait venir frapper ses balles de golf, ni disait pas un mot. Elle patientait, son sac au dos, le fusil Mossberg de son père pendant à son épaule. Le revolver contre son ventre, passé dans son pantalon entre le sweatshirt et le teeshirt, semblait peser une tonne.
Tout était calme.

Le petit chien, à ses pieds, roulé en boule, lui jetait des coups d'œil curieux. Il ne comprenait pas ce qu'ils faisaient là. Hazel était très routinière, normalement, à cette heure-ci, ils auraient dû être à la maison. C'était l'heure où on cessait de courir et de jouer, où on devait se préparer à passer une nuit tranquille.
Mais à la place ils étaient là, seuls, en pleine rue, et l'atmosphère était lourde, étrange.
Mist était troublé. Hazel attendait, mais elle ne lui avait donné aucun ordre. On ne jouait pas avec lui, on ne lui demandait pas de chercher quelqu'un. Alors qu'attendait-elle ?

Hazel avait posé à côté du chien son talkie. Accroupie, elle le fixait, prête à le saisir à la vitesse de l'éclair si la sonnerie retentissait. C'était Merle qui devait appeler, pas l'inverse.

Elle écoutait au loin la rumeur de l'arène. Les gens semblaient tout particulièrement exaltés ce soir-là, le vent lui portait leurs cris.
Soudain, la clameur changea, enfla. Elle entendit clairement ce qu'ils criaient.

Merle.

« Qu'est-ce qu'il fait ? » murmura-t-elle anxieusement.
Rien n'était en train de se passer comme prévu.

Quelques minutes plus tard, elle entendit les premiers coups de feu.

A ce moment-là, il n'y avait aucun doute sur ce qu'elle aurait dû faire.
Elle aurait dû escalader le mur, quitter la ville et fuir dans la nuit. Elle aurait dû courir jusqu'à la forêt, la traverser, et une fois de l'autre côté, sortir sa carte et prendre la route de Winstonville.
Oui, c'était exactement ce qu'elle aurait dû faire. La seule chose sensée. La seule qui aurait encore pu la sauver.

Mais sans réfléchir une seule seconde, elle saisit Mist et son corps jaillit de lui-même de sa cachette, dans une grande bouffée de peur. Pas de peur pour elle-même.
De peur pour lui.

« Merle ! »

Elle courut à toute vitesse, son chien serré contre elle, son fusil lui battant le dos en plus de son sac. Elle courut, sprinta, droit vers l'arène.
Les lumières électriques jaunes se reflétaient dans l'immense nuage de fumée blanche, lui donnant une couleur chaude d'incendie.

Hazel se retrouva noyée dans le brouillard, incapable de voir à plus d'un mètre, mais elle ne ralentit pas. Courir sans voir où elle allait, elle avait passé des mois à le faire. Et elle connaissait sa ville par coeur.
Tout en continuant à appeler, elle remonta la rue principale.
Elle ne réalisait même pas qu'elle était en train de courir vers une fusillade, que des gens se tiraient dessus en pleine rue, que des balles sifflaient autour d'elle.

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant