50. C'est parce que j'ai pas un assez grand cœur, c'est pour ça.

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La journée de Rose McGowan se décomposait principalement en une nouvelle unité de temps : le café

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La journée de Rose McGowan se décomposait principalement en une nouvelle unité de temps : le café.
Elle prenait le premier au réfectoire, trop pressée pour le préparer chez elle avant de sortir. On le lui servait dans un gobelet, qu'elle portait à son travail — le bâtiment pompeusement nommé « hôpital », constitué de ses stocks de matériel et de produits, plusieurs chambres, quelques machines, et un cabinet de consultation presque correct à la longue. Le temps de s'installer, le premier gobelet était vidé, et elle mettait en marche sa machine à espresso personnelle.
Elle était une vraie lève-tôt, depuis toujours, et souvent une des premiers debout à Woodbury, juste après ceux du réfectoire, dont elle constituait la première cliente de la journée.
Cette habitude lui permettait de goûter un moment de tranquillité entre l'ouverture du cabinet et l'arrivée des premiers problèmes, désignés sous le nom de patients.

Mais ce matin-là, elle eut la surprise de découvrir, devant sa porte, un patient problématique encore plus matinal qu'elle. Merle Dixon avait son propre gobelet de café, et la tête de quelqu'un qui n'avait pas beaucoup dormi.

« C'est pour une consultation ?
- Non, c'est juste pour poser des questions.
- Médicales ?
- Ouais.
- Et ben c'est ça qu'on appelle une consultation, gros malin. »

Elle le fit entrer, à regret. Une journée qui commençait par son pire patient ne partait pas sous les meilleures auspices. Au moins, devina-t-elle, le problème n'était pas quelque chose d'urgent ni préoccupant concernant Hazel, car Rose n'avait aucun doute que dans le cas contraire, Dixon serait venu la tirer carrément de son lit.

« Assieds-toi, explique-moi ce qui cloche, et par pitié, garde tes fringues. »

Certaines personnes, le matin, n'étaient pas fréquentables. Merle, il ne fallait surtout pas lui parler avant qu'il ait eu son premier café. Rose, c'était encore un autre niveau. Elle, elle devenait à peu près fréquentable seulement à partir du troisième.

« D'où ça vient, attaqua-t-il de but en blanc, quand quelqu'un, tu vois, quelqu'un qui a subi quelque chose de vraiment horrible, il se met à plus être là, d'un coup ? Sur le moment, je veux dire, et aussi après. Comme s'il était plus présent dans son corps.
- Dissociation, répondit-elle sans même avoir à réfléchir, heureuse de le voir lui livrer l'objet de son insomnie sans tourner autour du pot.
- Ah, y a un nom pour ça ?
- Ouais. C'est un phénomène de dissociation. C'est typique, surtout dans les agressions sexuelles, et c'est un symptôme courant de stress post-traumatique. Ça peut aller jusqu'à l'amnésie.
- Quand on se souvient plus de ce qui s'est passé ?
- Exact.
- Ah. Et du coup, tu peux... m'en dire plus sur ce truc ? »

La vieille femme le regarda par en dessous. Puis elle se leva et alla mettre en route sa machine. Et sortit deux tasses, exceptionnellement. Ce n'était pas dans ses habitudes d'offrir le café à ses patients, mais lui, elle en était désormais tout à fait sûre, venait de passer une nuit blanche.

« Hazel commence à se confier ?
- Ouais, mentit-il. Elle fait d'son mieux pour décrire mais j'ai besoin de traduction pour vraiment comprendre. »

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant