65. Les monstres, c'est pour les enfants.

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Depuis qu'elle avait retrouvé ses lunettes, Hazel voyait le monde différemment

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Depuis qu'elle avait retrouvé ses lunettes, Hazel voyait le monde différemment. Cela pouvait sembler une évidence, dit comme ça, mais ça ne l'était pas. En retrouvant la vue, elle n'avait pas retrouvé exactement les choses telles qu'elle avait pris l'habitude de les contempler avant de perdre ses si précieuses aides visuelles. Elle avait désormais le monde entier à portée d'yeux, mais pas seulement. Il y avait plus.
La période où elle avait été simultanément aveugle et captive lui avait apporté autre chose.
Elle parvenait à voir ce que les gens cachaient ordinairement.
Elle les regardait plus clairement aujourd'hui, mais elle n'avait pas attendu d'avoir des lunettes pour les voir. Pas visuellement, mais psychologiquement.

C'était un de ses secrets, qu'elle n'avait jamais confié à personne, un talent qu'elle avait elle-même mis un long moment à réaliser : elle avait développé une capacité anormalement profonde pour la lecture à froid.

Avec Joel et les autres, il lui avait fallu apprendre très rapidement à lire couramment le langage corporel, à décrypter l'émotion d'une voix, à humer l'atmosphère d'une pièce en y ayant à peine posé le pied. Parce qu'elle était incapable de voir l'expression des visages, et surtout, parce que ces hommes mentaient et tendaient des pièges sans cesse. Il fallait devenir plus rapide qu'eux, pour obéir sans que l'ordre ait été prononcé, comprendre ce qu'ils voulaient avant-même qu'ils ne le sachent eux-mêmes, éviter les ennuis avant qu'ils ne prennent vraiment forme. L'intelligence et l'instinct de survie, pour Hazel, avaient consisté en cet apprentissage autodidacte de l'empathie aigüe, pour se protéger, faute de pouvoir se défendre.

On disait qu'il fallait être plus proches de ses ennemis que de ses amis.
Hazel, elle, connaissaient par coeur les hommes. Faute de pouvoir les tenir à l'œil, elle savait les tenir à l'âme.

C'était ce qui lui permettait d'être aussi forte aux cartes.
On pouvait difficilement cacher quelque chose à une fille hypersensible qui se tenait toujours sur ses gardes. Encore moins si on était un homme. C'était une seconde nature, un instinct de survie pour elle, de prendre perpétuellement la température émotionnelle des hommes qui l'entouraient. Parce qu'à une époque encore trop récente, anticiper les changements d'humeur de ceux avec qui elle vivait était une question de vie ou de mort. Aujourd'hui, c'était juste une façon d'être une surdouée du poker et autres jeux de société, et de se montrer, quand elle le désirait, incroyablement prévenante auprès de ses amis.

Elle s'en voulait souvent d'utiliser inconsciemment ce radar sur ceux en qui elle avait désormais confiance, mais elle ne pouvait tout simplement pas s'empêcher. Elle n'était jamais vraiment tranquille en compagnie d'hommes. Il n'y avait que deux exceptions : Merle, en qui elle avait une confiance totale, et, étonnamment, Shumpert. Ce dernier n'était pas quelqu'un dont elle se considérait proche — elle était davantage amie avec Haley, Caesar, Rose, ou même d'autres hommes avec qui elle parlait plus souvent et facilement, comme Tim, Milton ou le Gouverneur — mais Shumpert, il avait une particularité extraordinaire : il ne dégageait rien.

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant