19. C'est quand l'bateau coule que les rats quittent le navire, non ?

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« Où est-ce qu'il est, putain de merde ? »

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« Où est-ce qu'il est, putain de merde ? »

La voix de Merle était orageuse.
Il n'avait même pas eu besoin de préciser de qui il parlait.

Autour de la table, tout le monde avait une tête de déterré.

McGowan et Martinez étaient assis tout près l'un de l'autre, presque épaule contre épaule. Ils ne s'étaient quasiment pas quitté depuis cette fameuse nuit, qui les avait rapproché d'une façon douloureuse et inattendue. Personne ne savait qu'ils avaient fini par dormir ensemble, exténués, encore habillés, trop mal pour rester seuls, dans une sorte d'instinct solidaire et purement platonique de soldats coincés dans les tranchées.

Merle ne savait même plus combien de boites de cartouches de calibre 12 il avait vidées, et doutait fort que le fusil d'Hazel ait jamais autant servi d'un seul coup. Tout le tour de la ville de Woodbury était un véritable charnier à ciel ouvert, qui attirait les corbeaux à des kilomètres. Plusieurs vagues de morts plus ou moins nombreuses étaient venues à la suite de la première, et ils les avaient toutes décimées. Les hommes étaient désormais si épuisés et nerveux que certains étaient passé au moins une fois à deux doigts de se tirer dessus mutuellement.

Rowan avait les yeux rouges à force d'avoir pleuré, son visage ordinairement très beau ravagé par le chagrin et la fatigue. C'était elle qui avait pris en charge certains des survivants les plus anéantis, notamment trois enfants qui venaient de perdre leurs deux parents d'un coup, et plusieurs vieux totalement déboussolés. À coté de ça, elle avait fait son travail habituel d'intendance, la ville devait continuer à fonctionner, les repas à être préparés. Elle avait accompli tout ça en ne cessant quasiment pas de pleurer, mais sans jamais craquer.

Milton, lui, donnait l'image d'un jeune garçon désemparé. Il était la personne la plus proche de Penny juste après son père. En plus du chantier du mur, il avait dû coordonner les enterrements et tout ce qui allait avec, il avait vu chaque corps descendre dans la terre, et ses deux mains étaient percées d'ampoules à force d'avoir creusé des trous.

« Chez lui, soupira-t-il.
- Qu'est-ce qu'il branle ? ronchonna Merle. On a besoin de lui.
- Et lui il a besoin de faire son deuil, répliqua Rose. Il n'est pas en état de faire autre chose. Il a perdu sa fille, Merle.
- On a tous perdu des gens, bordel ! Faut qu'il se réveille !
- Ferme ta gueule ! asséna Rowan. T'as pas d'enfants, Dixon ! »

La fatigue effaçait momentanément son caractère ordinairement doux et diplomate.
Merle bondit hors de sa chaise et tendit un doigt menaçant dans sa direction.

« Toi tu me dis pas de la fermer !
- Enlève ton doigt de devant moi ! s'écria-t-elle en se levant à son tour.
- Stop ! Stop ! intervint Rose. Arrêtez, c'est pas le moment pour ça !
- On a tous subi assez de mal comme ça, dit Milton. Pas la peine de s'en rajouter en s'agressant entre nous, ça les morts s'en sont chargé. »

Ses paroles firent redescendre la tension d'un seul coup.
Rowan ferma les yeux, respira un grand coup et reprit sa place sur sa chaise.

« Je suis trop fatiguée, c'est pour ça, reconnut-elle. Excuse-moi, Merle. »

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant