36. J'ai toujours eu envie de t'aider, c'est juste que j'ai jamais su comment.

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Ce matin-là, Hazel fut réveillée, comme souvent, par des bruits légers dans l'appartement

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Ce matin-là, Hazel fut réveillée, comme souvent, par des bruits légers dans l'appartement. Ouvrant l'œil, elle se rendit compte qu'il devait être vraiment tôt, parce qu'elle ne voyait pas de lumière à travers les interstices de son volet. Merle avait prévenu qu'il partait de bon matin, mais elle ne s'attendait pas à ce que ce soit au point qu'il fasse encore nuit.

Elle avait toujours eu l'ouïe aussi fine que sa vue était trouble, et depuis le début de ses épreuves dans le nouveau monde, son sommeil était si léger et nerveux que le moindre bruit la réveillait.
Mais en fait, ça ne la dérangeait pas, au contraire, elle aimait beaucoup entendre depuis son lit la présence auditive de Merle dans la maison. Il essayait de ne pas être trop bruyant, mais elle entendait presque tout, la sonnerie du micro-onde, l'eau de la douche, les portes s'ouvrant et se refermant. Et tout ça était à ses oreilles une musique agréable, rassurante.
Ce matin-là, elle entendit la porte d'entrée et crut qu'il partait, mais elle se rouvrit quelques minutes plus tard. Ça, ça voulait dire qu'il était allé au réfectoire et avait rapporté quelque chose pour son petit-déjeuner. Enfin, la porte de l'appartement se referma une dernière fois, et il n'y eut plus un bruit. Hazel se rendormit.

Lorsqu'elle se réveilla à nouveau, l'appartement était plongé dans un silence total.
Quittant à regret la chaleur douillette de son lit, elle enfila son pull par dessus son pyjama. Dans le salon, elle constata avec soulagement que le feu dans le fourneau, que Merle avait évidemment allumé avant de partir, n'était pas encore tout à fait mort, heureusement elle n'avait pas dormi trop longtemps. Elle souffla sur les braises pour les ranimer, y remit du petit bois, puis une bûche.
Elle resta accroupie devant la fenêtre du poêle de longues minutes, fascinée par le spectacle du feu qui reprenait, jusqu'à ce que les flammes ronflent avec enthousiasme, la chaleur lui brûlant agréablement la figure.

Lorsqu'elle se redressa, elle alla dans la cuisine prendre un verre d'eau.
C'est seulement de retour dans le salon qu'elle se rendit compte qu'il y avait une feuille de papier sur la table basse, avec une écriture de traviole en grosses lettres majuscules.
RETOUR CE SOIR. OUBLIE PAS DE MANGER ET METTRE DU BOIS DANS LE FEU.
Manger était souligné deux fois, et feu trois fois.
Sous la feuille, elle découvrit une assiette avec des donuts au sucre.

« Merci pour le petit-déjeuner, dit-elle à mi-voix, promis cette fois je fais un effort pour le feu. »

Elle mangea trois donuts de suite, ralentissant seulement sur le dernier. Après quoi elle eu du mal à se décider à aller s'habiller. Elle se sentait glisser vers sa léthargie habituelle, cet état dans lequel elle se trouvait trop souvent depuis son arrivée à Woodbury : l'envie de rien, la tentation de l'apathie, la propension naturelle à rester immobile à ne rien faire du tout, plongée au mieux dans une mélancolie tiède, au pire dans un cafard paralysant.

« Allez, commence pas ton truc de te trainer, là, marmonna-t-elle. Aujourd'hui on a dit qu'on allait faire du rangement, tu te souviens ? »

Se parler toute seule était une habitude qu'elle avait prise depuis déjà plusieurs mois. Elle avait commencé avec Joel et les autres. Aucun d'entre eux ne s'adressait à elle comme à un véritable être humain, et il pouvait se passer des heures sans que personne ne lui parle. Alors elle s'était mise à s'adresser à elle-même à chaque fois qu'elle ressentait le besoin de s'encourager, ou d'entendre un petit mot gentil, ou bien au contraire, de verbaliser la tristesse ou la colère qu'elle pouvait ressentir. Elle le faisait en cachette, à voix basse, et souvent la nuit, quand les autres dormaient.
Elle avait continué une fois à Woodbury. Le plus souvent, elle se parlait seule chez elle, pour conjurer la solitude justement, mais il lui arrivait de le faire n'importe où, à la laverie, dans la rue, à partir du moment où elle ne risquait pas d'être entendue par quelqu'un d'autre. C'était presque devenu un tic, un rituel pour rythmer ses journées, ou pour garder le fil de ce qu'elle faisait.
Parfois, elle se sentait un peu déconnectée de la réalité, et entendre sa propre voix avait quelque chose de rassurant.

La timidité des cimesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant