Noyade - Partie 3

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Shiganshina, quelques instants plus tard, 1er mai 852

L'office de Hansi était toujours autant en bordel. Marion pouvait le voir, même avec son œil célibataire. Elle avait eu un peu de mal, comme toujours, pour descendre les escaliers, mais Mikasa était une bonne béquille ; et voilà qu'elle se retrouvait entre une bibliothèque remplie de bouquins et de fioles poussiéreuses, des étagères pas mieux loties, des tas de papiers jonchant le sol, et un bureau. Bureau sur lequel glissait l'ombre d'une majore assise sur sa chaise. Ombre à peine étirée par le soleil d'après-midi.

« Prenez... place. » Son manque d'assurance et sa cordialité subits poussèrent Marion à froncer le sourcil. Un regard à sa gauche, et elle put constater que Livaï avait fait de même avec les siens. Chanceux, d'avoir un visage intact, hein. Ils tirèrent chacun un siège à eux. Le raclement de leurs pieds contre la pierre parut presque exploser le lourd silence qui envahissait la pièce.

La chercheuse ne remarqua qu'à cet instant le papier sur lequel reposait la paume de Hansi... Et l'écriture d'Erwin qui le recouvrait.

Elle vit le caporal-chef entrouvrir les lèvres. Le lien... « J'aurais pu appeler Antoine », souffla la brune, « mais il n'est évidemment pas mentionné dans cette lettre. Après... », s'étrangla-t-elle. « Après son décès, Erwin m'a laissée des instructions. Il y en a une que j'ai dû garder entre moi et Zackley, et que je n'ai pas pu vous transmettre à temps, puisque, Marion, tu as été enlevée le jour où je devais vous en parler. »

« Pas pu vous transmettre à temps » ? Nous sommes tous les deux concernés ? Et pourquoi Antoine ? Car il aurait pu remplacer Livaï... ? Elle fut incapable d'y réfléchir plus longtemps. Son cœur s'était brutalement tordu. « Je ferai de mon mieux pour ne plus t'aimer. » Une douleur vicieuse bouffa lentement ses entrailles. Elle se contenta de rester prostrée sur son siège, le menton bas.

« D'accord, abrégea sèchement Livaï. Pourquoi tu ne m'en as pas causé avant ?

— ... Car Marion n'était pas là.

— Le rapport ?

— Je vais y arriver, Livaï. »

La scientifique devina qu'il venait de plisser les paupières avec suspicion, ou quelque chose de cet ordre, car il n'intervint pas. Quant à elle, elle ne fit que fixer ses mains fines, sobrement posées sur son pantalon brun. Il était un peu trop long pour elle. Lorsqu'elle l'enlevait, les jambes de l'habit étaient plus fines qu'elle ne le laissait paraître, et particulièrement maniables.

« Je ferai de mon mieux pour ne plus t'aimer. » Il avait tenté de lui adresser la parole depuis, mais elle ne voyait rien. Elle ne voulait rien voir. Sa vision s'était obscurcie dans tous les sens du terme. Il n'y avait qu'Annie. Qui avait les mêmes yeux que Leah. Leah.

« La machine ne nos ennemis doit être scellée, ou le sévisse sera sans fin. » Leah, dans sa lettre. « La machine numéro sept, tu l'as construite de ton plein gré. » Rebecca, à la base. « Tu ne répèterais pas la même chose, n'est-ce pas ? » Livaï, à l'instant où elle lui avait tout déballé. « Tu t'es lavée de tes péchés depuis longtemps maintenant. » Mike, dans l'attente de Weierstrass. « Tu penses ne plus pouvoir te blâmer, et réparer tranquillement tes erreurs ?! » Et, au-dessus de tous, sa voix, à lui. Arrêtez... Elle serra lentement les dents. Leurs visages, leurs paroles la hantaient sans cesse. Une tornade. Arrêtez ce non-sens. Je n'en peux pl...

« I will be by your side, even if the whole world hates you. »

Elle ouvrit brusquement son œil intact. « Oh, Marion », rabâcha une voix étouffée. Une paume se posa sur son épaule, elle fut tirée de sa torpeur avec brutalité. Ce fut la figure fine et pâle du petit homme qu'elle rencontra. Ses pupilles la scrutèrent un instant : en effet, elles étaient suspicieuses. De quoi ? Elle ne le savait pas. Toujours fut-il qu'il reprit sa main, et se tourna de nouveau vers leur collègue.

ᴀʟʟᴇʀ-ʀᴇᴛᴏᴜʀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁴⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant