La Résistance 2.0 - Partie 3

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Quelque part dans les confins du Poitou, 1er juillet 2017

C'était l'histoire d'un gars qui rentrait dans un café. Café accompagné de ses vieux bancs et tables de bois et de son comptoir étroit ; à la clientèle se résumant en une septuagénaire rondelette, à la peau mate et ridée, et aux courts cheveux noirs coupés en dégradé.

Le gars s'avéra être Kenny, et il ne tomba pas dans une tasse – de toute manière, il était trop grand pour cela. Non, il se contenta de marcher jusqu'à la madame, et de s'asseoir en face d'elle. Elle posa ses yeux sombres et tombants sur lui ; il put y lire un sérieux à toute épreuve.

« Bonjour », intervint alors un jeunot rabougri. En voyant son teint pâle et sa barbe rousse, la première fronça le nez. Au vu de sa réaction, elle devait l'avoir pris pour un irlandais. Elle ne portait pas le Royaume-Uni dans son c... Oups, c'est vrai que l'Irlande n'en fait pas partie.

« Qu'est-ce que je peux vous servir ?

— Une binouze !

— On a de la blonde, ou de la brune... Ou de la maison, aussi. »

Il plissa les yeux.

« De la maison, c'est-à-dire ?

— A l'ortie, expliqua l'autre.

— Oh... Va pour ça. »

Il eut un petit sourire, et repartit. L'agent double se tourna donc de nouveau vers son interlocutrice, qui répondait au doux nom de Juana.

Lui-même devait l'admettre, c'était une femme relativement classe. Elle avait tout plaqué – travail, famille, sombrero – pour faire le chemin du Mexique à ici. En entendant de la bouche d'Issei, le gars le plus international de leur bande, que les Etats-Unis préparaient quelques merdes, elle avait directement voulu les aider.

On avait fait remonter l'information à Bern, qui avait délégué la belle tâche de « tester-la-nouvelle-venue-en-simulant-un-gros-problème » à Jamal, le membre syrien au genre alternatif du groupe, qui s'en était donné – ou donnée, il ne savait pas trop – à cœur joie. Le tueur en série n'avait jamais rencontré l'individu, mais en avait déjà une assez bonne impression.

« Alors, qu'est-ce qu'il se passe ? bâilla-t-il en allemand, puisqu'un anglophone squattait la pièce.

Elle a retrouvé le cadavre de Ketchup. »

Ces quelques mots se plantèrent avec violence dans son coffre ; ses paupières s'écarquillèrent immédiatement. Il tenta de parler, aucun son ne sortit. Sa gorge, son cœur, son estomac s'étaient brutalement contractés. Il pouvait à peine respirer.

Marion... Morte. Marion était morte. Jelena avait retrouvé le cadavre de Marion. Elle était morte. Cette information résonna, se superposa, se démultiplia encore et encore et encore dans son crâne. Il resta immobile. Il ne pouvait rien faire d'autre. Marion...

« On ne sait pas qui a fait le coup », reprit-elle, les prunelles basses. Sa voix lui parut affreusement lointaine. « Elle était censée se faire enlever par les américains, ce qui a dû arriver, puisqu'ils se trouvaient entre sa ville et La Rochelle... De toute manière, elle a trouvé des restes d'autres corps, et on suppose que ce sont les leurs. » Quelques secondes. Il tenta, tenta, parvint enfin à inspirer. Sa bouche s'entrouvrit ; on posa une chope devant lui.

Il releva la tête. Le serveur lui fit un clin d'œil, et repartit derrière le comptoir : il fut brusquement ramené à la réalité. Il se tourna lentement vers Juana.

« Quand ? souffla-t-il.

— Il y a quelques jours.

— Où ?

ᴀʟʟᴇʀ-ʀᴇᴛᴏᴜʀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁴⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant