Noyade - Partie 2

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Shiganshina, 1er mai 852

C'est la fête du travail, pensa Annie avec ennui. Un vif coup de balai rejoignit ceux des autres explorateurs qui s'attelaient à nettoyer le sol du rez-de-chaussée, derrière la cloison de vieille pierres le séparant du réfectoire.

Du moins, ça l'était. Sara, Eha et Leonid aussi avaient été collés à la tâche ; ainsi se promenaient-ils dans la cour carrée de terre battue. Ils s'appliquaient autant à réunir les brins de paille sauvages qu'à éviter de taper dans la Ymir appuyée contre le puits du milieu.

Et en France. Uniquement. Je crois. Antoine passa d'ailleurs ; elle le vit, via la porte du restaurant militaire. Il dut sentir son regard lourd, car il posa brièvement ses prunelles claires sur elle. Son visage fin et triangulaire s'assombrit. Il se concentra simplement sur le seau et la serpillière qu'il tenait, et continua sa route. Mais tu n'aurais pas mérité ton jour de congé... Raclure.

Raclure... Pourtant, elle ne savait pas ce qu'il s'était exactement passé entre lui et Marion. Tout ce qu'elle avait constaté, c'était qu'une distance froide les avait brutalement écartés après leur discussion. Et je ne peux pas lui en vouloir..., céda-t-elle amèrement. Elle frotta une énième fois les dalles inégales, pour regrouper un tas de miettes en face de l'un des nombreux poteaux de pin sombre, qui soutenaient les poutres tout aussi gaies de la salle.

Car seuls des monstres pourraient la comprendre.

« Leonhart, Braus », s'éleva la voix sèche de Livaï. Elle comme Sasha se tournèrent vers lui. Il se tenait dans l'encadrement de la porte, tissus sur le menton et plumeau en main. « Bientôt fini ? Vous mettez trois ans. » Elles plaquèrent leur poing contre leur cœur. « Oui, Caporal », débita la brune. Il plissa les paupières. « Grouillez-vous », jeta-t-il simplement, avant de quitter l'endroit.

« Tout doit être propre avant quinze heures. » Pourquoi quinze heures ? Car il y allait avoir une réunion importante entre officiers, et que le timing était déjà bien assez serré comme ça. « Annie », dit plus sérieusement sa camarade de promotion. « Tu as fini ton côté ? »

L'intéressée observa ces longues tables, longs bancs, et longs murs qui encadraient le long côté qu'elle s'était coltinée. Le tout était assez lumineux, grâce aux nombreuses fenêtres donnant sur l'extérieur. Le soleil de ce début d'après-midi était brillant, à défaut de répandre une ô douce chaleur sur leurs esprits.

« Oui. Juste à ramasser mes tas. » Sur ce, elle cala le manche de son ustensile contre un pilier, s'avança vers le battant mal poncé, attrapa la pelle de fer gisant à son pied, revint, joignit le geste à la parole, jeta les débris dans la poubelle de bois plantée au beau milieu de l'espace supposé impeccable, et attendit enfin que Sasha fasse de même.

Cette scène est familière. Elle observa la queue-de-cheval brune de l'exploratrice se balancer au rythme de ses mouvements rapides, si ce n'était anxieux. Personne ne voulait se mettre entre Livaï et la propreté du quartier général.

Cependant... Marion ne fait pas un mètre soixante-dix, mais sept de moins... Et Sasha ne porte pas de lunettes... Et l'ambiance était un poil plus légère, aussi. La dernière fois, la chercheuse et la semi-géante avaient vécu le dernier jour de leur dernière période de Guerre Froide version relationnel. Étrangement, Kenny – et non Fabien – y avait mis fin, lui-même qui avait torturé la première.

On ne le lui avait pas directement raconté. Elle en avait entendu parler, via une conversation entre Livaï et Marion, un soir. Ces deux-là parlaient relativement souvent... Mais depuis quelques jours, Livaï joue aux Antoine, avec une intensité certes divisée par quatre. « ... Annie », hésita Sasha.

ᴀʟʟᴇʀ-ʀᴇᴛᴏᴜʀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁴⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant