Noyade - Partie 1

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Shiganshina, 25 avril 852

Une nouvelle fois, les étoiles pointaient tout juste dans le ciel orangé de début de soirée. Un vent frais faisait voleter les mèches dorées de Historia : ses yeux bleus passaient de l'extérieur à Ymir, d'Ymir à l'extérieur. Elles se trouvaient dans le réfectoire, assises face à face... Juste à côté d'une fenêtre grande ouverte.

Sans cela, la brune n'aurait pas survécu à ses repas. Lorsqu'elles partaient se coucher, les volets restaient toujours pliés, tant et si bien que la fille Reiss s'était vue fournir deux couvertures de rab pour affronter le froid des nuits d'avril. Elle devait aussi la suivre dans les sanitaires afin de lui éviter une crise d'angoisse, et à l'extérieur, Gelgar en prime, pour ses promenades quotidiennes.

Promenades quotidiennes... C'était un euphémisme. En réalité, Ymir passait désormais ses journées entières là-dehors, à éviter les endroits clos comme la peste.

De profonds cernes, une maigreur inquiétante et une pâleur cadavérique marquaient son visage triangulaire et allongé. On ne voyait presque plus ses taches de rousseur – c'était dire à quel point elle avait été traumatisée par le traitement des américains.

Cette seule idée mettait Historia en rogne. Elle ne pouvait pourtant rien y faire. Elle avait tenté de casser la gueule de Rebecca, mais Hansi l'en avait empêchée. « Ça n'arrangera pas la situation. Ce dont Ymir a besoin... » La major n'avait pas eu besoin de finir sa phrase. ... c'est de soins psychiatriques, en effet.

Weierstrass était sur le coup. « Marion a l'air d'aller mieux, et il faut attendre la guérison de son ouverture avant de retourner aux régulateurs d'humeur. Peut-être faudrait-il envoyer Ymir dans un hôpital. C'est une semi-géante, elle est importante pour les Murs. » Va te faire, chauve de mes deux. Semi-géante ou pas, elle y va, point barre ! Comment est-ce que tu peux seulement la réduire à ça ?! L'exploratrice serra les dents, un murmure ténu la sortit brutalement de sa colère sourde.

« Historia... Que se passe-t-il... ? » La rumeur des discussions lui explosa presque aux tympans... au même titre que le silence plombant la tablée de Marion. « Rien, pardon. » Livaï causait parfois pour demander le pichet d'eau, Antoine se murait dans un mutisme tombal, Annie restait Annie, et la chercheuse n'aurait pu être plus fermée. « ... D'accord. La plâtrée de Conny... est toujours aussi dégueulasse... », railla faiblement la brune.

Fermée, même si elle était juste assez en forme pour sociabiliser de nouveau avec le reste du Bataillon. Cette liberté ne semblait pas même l'effleurer. Pourquoi est-ce qu'ils ne mettent pas sa sœur avec elle ?

Hansi devait avoir perdu quelques points en stratégie, elle en était presque convaincue. Carla était encore en cellule confort, avec Rebecca et Isaac. Paraissait que chez les officiers, ils n'étaient pas certains qu'ils n'allaient pas se retourner contre les Murs. Il fallait être sacrément con pour ne pas voir qu'ils agissaient définitivement en faveur de l'humanité. Enfin... Ce n'est pas comme si tout me mettait à fleur de peau, ces jours-ci, hein ?

Elle avala une cuillerée de bouillie ; sa face se blasa dès qu'elle en sentit le goût fade. « En effet, on a connu meilleur cuistot », admit-elle. « Ymir, comment est-ce que tu te sens ? » L'intéressée observa sombrement son verre d'eau. « Y a pire. Pas de dessert ce soir non plus, je suppose. Sérieusement... Comment est-ce que j'ai pu conseiller à ce nain de jouer aux femmelettes derrière les fourneaux... ? »

Son interlocutrice eut un petit sourire. Elle se souvenait trop bien du moment où le rasé avait presque pété un câble à cause de son accident, et des paroles abruptes de son amie. L'expression choquée de Jean passa également dans son esprit, son cœur se serra, elle l'accepta comme elle le faisait toujours. « Je pense... Que ce n'était pas une mauvaise idée. »

ᴀʟʟᴇʀ-ʀᴇᴛᴏᴜʀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁴⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant