Menace - Partie 3

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Shiganshina, 2 mars 852, le soir même

« Toc, toc. » Ce bruit fit écho dans le crâne d'Erwin un petit moment. Vingt heures pile – Livaï était décidément quelqu'un de très ponctuel. Combien de fois avait-il pu faire ce constat ? Il ne les comptait plus.

« Oui », dit-il. La poignée se tourna, la porte s'ouvrit, le caporal-chef entra en boitillant. En boitillant. La dernière fois que le major avait pu assister à ce spectacle, c'était à cause du titan Femelle, mais il n'y avait pas eu trente points de suture et un biceps détruit en jeu. Les américains n'y étaient pas allés avec des pincettes...

Et c'est Marion qui a rattrapé le coup. C'est le monde à l'envers... Il fronça les sourcils. Quoique, c'est bien Livaï qui a eu cette idée. Enfin, peu importe. « Me voilà », marmonna son collègue en refermant le battant. Il traversa la pièce aux bibliothèques imposantes, et s'assit face à son bureau bien plus simple que celui de l'ancien quartier général.

Il faisait assez nuit pour que son visage aussi fin que pâle ne soit éclairé que par la lampe à huile du blond. Des cernes soutenaient toujours ses yeux clairs – et d'ailleurs particulièrement acérés, remarqua-t-il. Il s'installa un peu plus profondément sur sa propre chaise. « Un problème ? »

Silence. L'intéressé regarda sa béquille de bois clair un instant.

« Excellente question.

— Marion ? »

L'autre vira de nouveau ses pupilles sur lui, paupières plissées.

« Hansi qui n'en fait encore qu'à sa tête. Ce n'est pas important.

— Ah bon.

— Tu connais ma situation. Pas besoin de tourner autour du pot.

— Ma question était pourtant assez directe, sourit-il.

— C'est vrai. Enfin, je ne suis pas venu pour ça. La Petite Histoire des Peuples... Danilin a répondu à ma lettre. Il dit qu'il ne sait rien de plus. »

Erwin ferma les yeux un instant, moins pour les protéger de la poussière que pour ignorer son pincement au cœur.

« Je vois. Les révolutions mi-vingt-et-unième, l'éradication de l'Amérique du Nord, la Charte Internationale sur la Régulation et le Climat, le mélange des populations... C'est tout ce qu'on sait.

— Oui. C'est déjà pas mal, à mon sens.

— En effet. »

Il soupira longuement, la gorge nouée. L'histoire des deux derniers millénaires était assez fascinante ; l'humanité s'était dressée contre leurs dirigeants, et avait, en deux siècles, créé un ordre mondial.

Fini l'échange de produits exotiques entre les pays, les transports polluants, l'exploitation des ressources limitées, et autres industrialisation et productions en masse. Et là où quelques hommes avaient été à la tête de trop nombreux pays et marchés, la démocratie locale l'avait emportée.

Les citoyens se réunissaient à l'échelle d'une ville pour faire des propositions, en débattre, et voter ; des représentants choisis au hasard dans les assemblées, aux activités totalement transparentes, faisaient remonter aux conseils régionaux ; de nouveaux représentants tirés au sort résumaient ce qui en était sorti avec ceux provenant d'autres lieux encore. Cela se répétait ensuite à l'échelle continentale, puis mondiale. Tout le monde était au courant de tout, le Fonds Monétaire Internationale se pliait aux demandes débattues et re-débattues du peuple par le peuple. Chaque assemblée devait offrir à chaque ville un compte-rendu public.

ᴀʟʟᴇʀ-ʀᴇᴛᴏᴜʀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁴⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant