Menace - Partie 6

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Shiganshina, Mur Maria, 5 mars 852

Dans cette salle de réunion si simple à l'unique fenêtre étroite, une atmosphère lourde régnait. Elle s'infiltrait dans chacune des fissures du bois de la table, du bois des chaises, du bois des commodes usées négligemment plaquées contre les murs de pierre froide. Plus que cela, c'était l'espace entier qu'elle écrasait. Naile était toutefois convaincu que les difficultés qu'elle devait rencontrer étaient moindres, au vu de la petitesse de la pièce.

A sa droite, un Marlowe aussi tendu que la corde d'un arc. Son large dos était dressé comme un piquet ; son large visage, figé en une expression anxieuse. Ses larges mains, quant à elles, tenaient – ou plutôt, serraient au possible – un pauvre calepin au cuir noir. Il y avait Pixis, un peu plus loin encore. Il n'avait pas apporté sa flasque. De toute manière, son regard était si grave qu'il n'aurait probablement pas pu boire une seule goutte d'alcool.

Face à eux, de l'autre côté de la surface rectangulaire, Hansi, une Hansi aux épaules basses. C'était trivial, elle regrettait amèrement le médaillon émeraude qu'elle devait porter autour du cou. Toutefois, son air était à peu près aussi sérieux que celui de Zackley, installé en bout de tablée, lequel observa ses épais doigts abîmés de ses petits yeux ridés. Et, enfin, Livaï.

Il n'avait pas dit un mot depuis que Naile, son assistant et le général étaient arrivés. A l'enterrement, il s'était contenté d'observer douloureusement le cercueil d'Erwin descendre dans son trou. La scène avait été assez singulière, peut-être à cause de sa béquille et de son bras en écharpe. Il aurait presque pu avoir paru vulnérable, mais la manière dont il avait surveillé Marion une fois l'évènement fini avait vite démenti ce fait. Il y avait une urgence sous-jacente, dans son attitude ; presque nécrosée, particulièrement inflammable. Au moindre faux-pas...

« Tu es donc major, dit sombrement Pixis. Je ne doute pas de tes capacités...

— ... mais on a perdu un pilier, en effet, compléta-t-elle à sa place. »

Elle étudia un instant le bout de papier rêche. Une seule phrase y était inscrite : « Hansi Zoe succèdera au poste de major du Bataillon d'Exploration ». Rien de plus, rien de moins. Si, une signature, en bas. C'était tout. Ce message, elle le leur avait officiellement lu quinze minutes plus tôt ; Zackley s'y était naturellement plié.

« On a perdu un plier, reprit-il d'ailleurs. Cependant, Hansi, vous êtes un très bon élément. Vous savez garder votre calme, gérer des soldats, vous adapter en fonction des épreuves qui vous tombent dessus. Et puisqu'Erwin était un génie de la stratégie, on peut lui faire confiance sur son choix.

— Certes, intervint le chef des Brigades, mais dans la situation actuelle... Avec un homme pareil en moins...

— Il y a Armin. »

Tous braquèrent leurs yeux sur Pixis. « Ce n'est pas un espoir de l'humanité pour rien. Souvenez-vous de sa stratégie pour la reprise de Trost : elle a été très efficace. C'est également grâce à lui que le Bataillon a pu appréhender Annie à Stohess. Il a grandement participé au plan de la Bataille de Shiganshina, à celui de notre attaque de la base américaine Est également. Toutes ont été un succès. On peut compter sur lui, j'en suis certain. »

Au bout de quelques secondes, son air s'assombrit. « Et quand bien même... Si Erwin en est arrivé au point de se tuer, il n'était probablement plus en capacité de fournir un tel travail. Cela faisait longtemps qu'on ne l'avait plus vu en action. J'en étais presque venu à me dire qu'il se reposait sur ses lauriers... » Il se frotta machinalement le front. « Si j'avais su... » Silence. Naile jeta un œil au caporal-chef ; il n'avait pas bougé d'un iota.

ᴀʟʟᴇʀ-ʀᴇᴛᴏᴜʀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁴⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant