Menace - Partie 5

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Shiganshina, le lendemain

Le restaurant militaire était éternellement animé en ce merveilleux matin pluvieux de mars. Les gouttes frappaient contre les carreaux des fenêtres ; en plus de les entendre, Marion pouvait les voir, de la table de bois à laquelle elle était assise.

Autour d'eux, toujours ces murs de pierre taillée, ces poteaux de bois, ces quelques explorateurs épars. Il y avait Hansi et Moblit, à leur droite ; la première était plongée dans ses notes, et le second, dans la contemplation de sa miche de pain. Historia et Sasha se trouvaient devant eux, et discutaient d'elle-ne-savait-quoi. Conny venait d'ailleurs de se ramener, son plateau posé sur ce qu'il restait de ses jambes.

Et à sa propre tablée, du bon petit monde. Annie à sa droite, Livaï à sa gauche, Mikasa un peu plus loin, Armin et Eren en face. Tout le monde était en train de se réveiller lentement, les Ackerman mis à part. Ils n'étaient pas trop forts de la mort qui tue pour rien.

Et elle non plus ne se sentait pas spécialement fatiguée. Elle avait eu ses neuf heures trente de sommeil, après tout. Enfin, elle avait usuellement besoin de dix heures, mais il y avait quelques bons côtés à l'aripiprazol en gouttes, tels que la faire dormir rapidement et réduire drastiquement ses cauchemars...

Mais bon, elle continuait tout de même de se réveiller la nuit. Elle se souvenait d'ailleurs avoir utilisé Annie comme peluche. Ce n'était pas très dérangeant, puisque cela permettait manifestement à la blonde de ne plus faire de rêve affreux, sur des explorateurs écrasés et autre Marco dévoré en deux.

« Il est six heures trente », entendit-elle alors Livaï articuler. « Erwin fait la grasse matinée, ou quoi ? Je sais qu'on est samedi... » Elle l'observa un instant. Des cernes, bien entendu ; et une légère irritation sur son visage fin.

Elle le savait, c'était à Erwin qu'il était lié. Quoi qu'Armin en dise, Antoine était mort, et ce n'était pas à elle que le caporal-chef tenait. Il la surveillait car le major le lui avait ordonné... Même si on a imité Isaac. Ouah, on s'éclate. Mais ça doit être une première chez lui, se fit-elle remarquer en fronçant les sourcils. Enfin, peu importe.

Elle porta de nouveau sa main à sa bouche... Et manqua de mordre ses doigts. « Tu te prends pour Eren, ou quoi ? » railla la voix de Jean dans son crâne. Bien évidemment, ces paroles ne furent pas prononcées. Ymir aussi aurait pu dire ça...

Mais aucun des deux n'était plus là.

La scientifique déglutit avec difficulté. Il ne fallait pas qu'elle repense à la disparition de ses camarades, pas maintenant. C'était une guerre qu'elle vivait, ce genre de choses arrivait forcément, elle devait s'y habituer. Peut-être y parvenait-elle déjà...

En tout cas, j'ai fini mon pain. Elle regarda un instant sa paume vide avec déception, mais se reporta bien vite sur son verre d'eau. Elle le but d'une traite. Elle adorait l'eau. Paraissait qu'il n'aurait plus dû en avoir en 2050.

« Marion, tu bois vraiment comme un trou », qu'avait l'habitude de dire Antoine. « On dirait Van Damme. Tu devrais y aller mollo, c'est la dernière personne que je veux avoir comme meilleur pote. » Meilleur pote. Fous-toi de ma gueule, t'as fini par m'embrasser. Ducon. Tu parles d'un au-revoir. Comme si j'avais eu besoin de ça.

« Marion, qu'est-ce qui te fait rire ? » Elle posa ses yeux verts sur Annie, dont le visage pâle était parfaitement impassible. Une énième fois – elle ne les comptait plus –, ses cheveux platine la fascinèrent. Elle avait appris à s'en remettre facilement. « Rien. » Elle se concentra de nouveau sur le pichet d'eau de terre cuite. « D'accord. »

ᴀʟʟᴇʀ-ʀᴇᴛᴏᴜʀ - ᴀᴛᴛᴀᴄᴋ_ᴏɴ_ᴛɪᴛᴀɴ&0.7[1] ⌜ᵗᵒᵐᵉ ⁴⌟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant