Chapitre 55

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C'était donc ça la mort... Se sentir légère comme l'air, ne faire qu'un avec lui. Je sentis une chaleur sur mon visage, puis sur mon corps tout entier. J'étais bien comme jamais avant je ne l'avais été. Enfin libre de faire tout ce que voulais. Je n'avais plus peur, plus mal, plus froid ni chaud, plus de contrainte : la belle vie.

Était-ce vraiment la « belle vie » comme je le disais ?

Qu'est-ce que la « belle vie » ?

Un monde sans personne pour nous contredire. Mais à quoi serviraient les arguments ? Un monde de paix et de perpétuelle tranquillité. Que serait la guerre ? Un monde sans déception. Connaîtrions-nous l'espoir ? Un monde où on aurait plus peur de mourir. Quel sens donner à la vie ? C'est parce que tout le monde redoute plus ou moins la mort que la vie devient intéressante. Donner une valeur à la vie nous permet de mieux l'apprécier.

Quand j'étais petite, allongée dans mon lit sans dormir, je posais une main sur mon cœur. Les larmes coulaient alors car survenait un chamboulement de pensées dans ma tête. Mon cœur battait et pourtant je savais qu'un jour il allait s'arrêter. J'avais peur de vieillir, peur de mourir. J'avais peur de devenir une grand-mère, de perdre mes dents aussi. Dit comme ça, on pouvait trouver cette idée saugrenue de la part d'une enfant. Mais je sais maintenant que c'était LA période où j'ai compris que j'allais un jour partir de cette Terre pour aller je ne sais où.

Parfois, il m'arrivait de penser fort, très fort à ce que je pouvais être. Et j'en venais toujours à dire que je n'étais rien dans l'immensité de la vie sur terre. J'étais beaucoup plus petite qu'un noyau d'atome à l'échelle galactique. Un brin de poussière que n'importe quoi pouvait pulvériser en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.

Pourquoi vivre si nous n'étions rien du tout ?

D'ailleurs, je ne voyais rien. Un noir total et assez perturbant. Le noir du néant sans doute. Pourtant je sentais les choses mais je ne voyais rien, ni entendais. C'était ça le Paradis ? Ne déguster le bien que par l'esprit ? Un vrai régal alors si je puis me permettre. Peut-être était-ce différent pour toutes personnes déjà parties. Les saints et les saintes, où allaient-ils ? Et tous ceux qui étaient mort depuis la préhistoire ?

Une douleur cassa le charme du moment présent et chassa mes questions. Elle me lançait dans le bas de la cheville jusqu'au genou droit. J'avais alors la sensation que quelque chose ou quelqu'un venait de me faire tomber de mon petit nuage. Je pensais au doux bouche à bouche que Tyler m'avait fait pour me sauver la première fois. Mais, cette fois-ci, c'était différent. Je n'avais pas apprécié un aussi long moment de plénitude lors de la première fois. Mais qui voulais encore de moi là-bas ? Mon père ? Ma sœur ? Comment allaient-ils vivre la perte de deux êtres chers en moins d'une semaine ?

La réponse se trouvait derrière mes paupières closes...

𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐉𝐞𝐦𝐦𝐚 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant