Chapitre 4

682 41 10
                                    

Quelques minutes passèrent avant que quelqu'un ne vienne frapper à ma porte. La tête de Matthieu passa dans l'embrasure. Il avait été discret au cas où je me reposais. Quand il vit que j'étais bien réveillée, il me rejoignit. Il me serra dans ses bras et resta assis sur le lit.

— Ça va aller, me déclara-t-il d'un ton compatissant.

Il se détacha de moi. Sans même parler, je sus qu'il se demandait comment j'allais. Il essuya une larme qui coulait le long de ma joue. J'hochai la tête de gauche à droite. Je ne pus pas en dire davantage car je fondis en larmes. En me voyant désarmée, Matthieu m'enlaça une seconde fois. Il me caressa le dos d'un mouvement régulier. Je mis quelques minutes pour me calmer. Les sentiments que j'avais refoulés durant des heures explosaient au grand jour.

Ma tête posée sur son épaule, j'observais depuis un moment les contours de son t-shirt. Je regardais le quadrillage que formaient les fils de cotons bleu ciel entremêlés à ceux de couleur blanche. Il n'avait même pas pris le temps d'enlever son sac de cours. Mes mains passaient entre son dos et son sac.

Nous parlâmes longtemps, peut-être une heure ou deux, main dans la main. Je triturais sa gourmette comme je le faisais tout le temps quand j'étais nerveuse ou que quelque chose n'allait pas. J'avais besoin de toucher quelque chose qui soit à moi ou non. Il portait toujours le bracelet que je lui avais fait et sa gourmette au poignet droit. Comme je n'avais pas de bracelets, je prenais toujours sa gourmette comme cible. Cela me détendait de faire tourner les mailles les unes au travers des autres.

Pendant notre discussion, je ressentis une chose que je n'avais pas avant, une sensation qui ne m'était pas familière. Un sentiment étrange, comme celui dont on n'a pas envie de s'en priver et dont on essaye d'en savourer chaque instant. Matthieu me rassurait tellement. Rien que sa présence permettait de chasser très loin mes sombres pensées. Il n'y avait plus que nous deux, frère et sœur.

Puis, à un moment, il prit une tête sombre, similaire aux jours où son moral n'allait pas très fort.

— Si tu veux parler plus de ce qui s'est passé la nuit dernière n'hésite pas. Je te dois bien ça.

Je ne comprenais pas bien la fin de sa phrase, comme si elle avait un sens caché que je n'avais pas réussi à décrypter. De plus, le ton qu'il avait pris pour la dire la rendait beaucoup plus mystérieuse. Cette mélodie envoûtante se mit à résonner dans ma tête.

— Mais tu ne me dois rien, je ne comprends pas...

— Juste que... je suis ton meilleur ami, même ton grand frère, donc je me dois d'être là pour toi quoi qu'il arrive.

Ces derniers mots étaient si sincères que je ravalais mes larmes.

— Comment est-elle morte ? prononçai-je avec difficulté.

— Ton père m'a dit que vous reveniez de ton entraînement de foot et que dans un virage, il est possible qu'une plaque de verglas ait fait glisser votre voiture, faisant ainsi perdre tout contrôle de la situation. D'après ce que les collègues de ton père lui ont dit, vous avez dévalé la pente sur plusieurs mètres, atterrissant ensuite dans un arbre. Tous les airbags ont bien fonctionné sauf celui du volant. Il y a eu une défaillance. D'après les enquêteurs, la tête de ta mère a percuté plusieurs fois la vitre et le volant de la voiture.

Matthieu me laissa le temps de digérer un peu ce qu'il venait de m'apprendre. Cette révélation m'avait cloué le bec.

— C'est tout ce que je sais, ajouta-t-il.

En me remémorant ce qui s'était passé avant l'accident, je remarquai un détail assez perturbant. Je me voyais, hier soir, demandant voir même suppliant ma mère de me laisser conduire la voiture. J'avais 18 ans et jamais mon père ni ma mère ne m'avaient laissé conduire CETTE voiture. Jamais. Ils me laissaient conduire la neuve achetée l'année précédente, l'ancienne voiture de collection mais pas celle-ci. Quand je lui avais demandé si je pouvais prendre le volant, en sortant des vestiaires, elle m'avait répondu de suite « Non ». Un « non » franche qu'on ne pouvait pas discuter.

— Ils m'ont toujours interdit de la conduire..., déclarai-je. Est-ce que tu penses qu'ils étaient au courant de cette défaillance technique ?

— Je ne sais pas. Il faudrait que tu en parles avec ton père comme ça il pourra peut-être répondre à certaines de tes questions.

D'un signe de tête, j'acquiesçais. Il avait raison. Mon père et moi allions devoir parler de ce qu'il s'était passé.

𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐉𝐞𝐦𝐦𝐚 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant