Chapitre 45

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Ma petite sœur,

Je ne pense pas avoir eu une seule fois un moment de courage pour t'avouer la vérité, pour te dire que c'est moi le meurtrier. C'est moi qui ai tué ta mère ! Je suis un meurtrier Jem, un assassin ! Pas une personne bien, pas une personne de confiance ! J'ai essayé plusieurs fois de te le dire mais plus je te voyais, plus je me disais que c'était moi qui t'avais infligé ça. Cette tristesse, cette mélancolie, cette douleur... Je ne pouvais plus me regarder sans vouloir me taper, me faire payer ta souffrance. Quand je me rappelle de tout ça, j'ai envie de vomir.

Je me souviens... Je revenais d'une soirée avec des amis. Je pense que je conduisais ma voiture car je me suis réveillé au volant après vous avoir percuté. Je ne me souviens pas si j'avais bu avant. Mes souvenirs reprennent après l'accident. Lorsque je me suis réveillé, j'ai constaté que la voiture était à l'arrêt et que mes amis étaient encore dedans. Je les ai tous déposés chez eux. Une chose m'intriguait mais je n'y fis pas attention : certains avaient des bleus ou des bosses. J'ai simplement pensé qu'ils avaient pu se bagarrer sous le coup de l'alcool. Tu connais bien les mecs qui nous accompagnaient. Finalement, je suis rentré chez moi.

Le lendemain, je me suis levé et maman m'a appris que tu étais à l'hôpital, que vous aviez eu un gros accident de voiture et que ta mère n'avait pas survécu. Ton père avait dû la contacter tôt ce matin-là. D'après les premières informations des enquêteurs, vous vous étiez fait percuter par une voiture de couleur grise. Pris d'instinct, j'ai alors regardé par la fenêtre et j'ai vu ma voiture toute cabossée. Avec horreur, j'ai fait le rapprochement. J'ai commencé à paniquer.

La première chose que j'avais à faire : cacher la voiture dans un endroit reclus. Je pensais immédiatement à la casse du coin qui, je croyais, était abandonnée. Mais une personne qui semblait être le gérant m'a accueilli. Il ne m'a pas posé de questions lorsque je lui avais demandé de la loger dans un recoin. Juste avant de me séparer, j'avais remarqué que le devant était complètement bousillé. Je n'avais alors plus de doute sur ce qui s'était passé la nuit dernière.

Sur le chemin du retour, j'ai pris un taxi. Je lui ai demandé de faire un arrêt sur le lieu de l'accident. J'ai brièvement regardé comment se présentait l'épave. On voyait bien la marque de la peinture de ma voiture. J'ai regardé à l'intérieur et j'ai vu plusieurs trace de sang. J'ai vite conclu que tu ne conduisais pas et c'est pour ça que tu t'en es sortie presque indemne. Ta mère n'a pas survécu aux chocs car aucun airbag ne s'est déployé de son côté.

C'était insoutenable de te voir tous ces derniers jours en faisant comme si de rien n'était. Je ne pouvais plus faire semblant Jem ! Je n'en peux plus de cette vie, à quoi bon la vivre de toute façon ? Tu m'as fait remonter la pente lorsque j'étais petit. Je n'avais que toi au monde et je n'aurais que toi au monde pour toute la vie. Je savais qu'entre nous c'était pour toujours et à jamais. Comment me faire pardonner ? Comment vivre avec ces deux poids, celui de mon passé et de mon présent, tout en sachant que l'avenir ne sera pas aussi clément que l'on espère ? Comment pourrais-tu me pardonner de t'avoir pris la personne qui t'a donné la vie ? On ne choisira jamais son destin car c'est comme un livre déjà écrit dont on découvre le texte chaque jour.

Tu vas me manquer, je t'aime tellement ma p'tite sœur. Tu as pris tellement de place dans mon cœur que je ne saurais jamais le combler par quelqu'un d'autre. Cette fissure que j'ai créée en moi ne pourra jamais être réparée. Je n'ai jamais voulu te quitter. Je sais que tu seras attristée par mon départ mais j'ai déjà fait assez de dégâts. Comprends-le, c'est pour ton bien. Je tiens à toi plus que tout. Je veux que tu ais une vie tranquille, je souhaite que tu t'épanouisses même si je ne pourrais pas être là pour toi. Une chose est sûre, là où je vais, je serais avec toi à jamais comme promis. Je suis désolé d'avoir gâché ta vie. Je te connais par cœur, tu es généreuse à tel point que tu vas me pardonner. Mais moi je n'ai pas le courage de vivre après t'avoir pris ta maman. J'ai l'impression de t'avoir tuée de mes propres mains et ça m'est insupportable.

Je t'aime ma petite sœur chérie. Tu seras toujours en moi quoi que je décide de faire. Je ne serais jamais loin...

Matt

Une larme coula sur la signature. Puis une autre. J'aurai dû me demander ce qu'il se passait étant donné que j'étais encore vampire mais je pleurais comme un bébé. Je ne réalisais pas encore que derrière toutes ces insinuations se cachait un désir d'en finir avec sa vie. C'était si violent à dire mais ce qu'il avait fait l'était encore plus. Disparu n'était même pas le mot. Matthieu était mort ! Il ne reviendra jamais !

Je poussai un cri effroyable qui se perdit dans le t-shirt de Tyler. Il m'encercla de ses bras pour me calmer tout en me caressant doucement les cheveux sans dire un seul mot. Il avait lu la lettre en même temps. Je voulais exploser, me cogner partout pour extérioriser ce désespoir qui tiraillait mes entrailles. Une forte douleur intérieure était apparue. Une flamme de tristesse qui me brûlait le cœur pour le réduire à l'état de cendre. Je savais que ce n'était que le début de mes souffrances intérieures.

Tyler me retenait de ses forces car je me débattais comme une folle. Je ne voulais pas lui faire de mal mais le désespoir avait pris le dessus sur la raison. J'avais trop mal pour le dire et crier ne me soulageait pas. Pleurer non plus d'ailleurs. Une fissure béante s'était ouverte dans mon cœur de verre. Il fallait que je me reprenne... Depuis quelques minutes, des gouttes de pluie nous trempaient. Nous étions tous les deux trempés jusqu'aux os.

Une sirène de policier nous surpris. Je pensai alors que pour se rassurer, la mère de Matthieu avait appelé la police. Et ils étaient en ce moment même à notre recherche. Je pris donc ma manche en guise de mouchoir pour essuyer mes larmes.

Nous retournâmes chez moi et nous ne trouvions que Flo, assise sur le canapé à regarder pour la millième fois Pride and prejudice. Mon père devait être de service cette nuit. Je cru au départ qu'elle allait m'asséner de questions mais Tyler l'en dissuada. Il avait un tel charisme que, d'un seul regard, il avait fait taire Flo.

J'étais couchée depuis une heure ou deux. Je n'arrivais pas à dormir. Les mots revenaient sans cesse dans ma tête. De simples phrases sur un bout de papier plié venaient de me détruire. Je n'avais plus la force bouger. J'étais brisée par ce que je venais de découvrir. Brisée de n'avoir rien pu faire pour le sauver...

𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐉𝐞𝐦𝐦𝐚 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant