Chapitre 9

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Deux mains me saisirent par les épaules et j'émis un puissant cri de surprise. Tout en essayant de me défaire de son emprise, je jetai un regard vers l'endroit où aurait dû être Luke. Mais il ne s'y trouvait plus et tout me faisait dire que c'était lui qui me tenait.

La porte s'ouvrit et je me figeai immédiatement. Je découvris bien un homme. La parfaite copie de Luke ! Sauf que l'inconnu était un peu plus âgé et n'avait pas de barbe naissante. Était-ce son frère ? Ce dernier fut très surpris de nous voir. Je crus d'abord que c'était parce que Luke me tenait mais je compris ensuite que c'était ma présence ici qui l'intriguait.

— Luke ! Tu peux me dire ce qu'il se passe ?

— Kallo yi dju vegy bomi nezy, prononça Luke avec une voix que je trouvais d'un coup plus grave.

« Pardon ? Tu peux répéter s'il te plaît ? Je crois que je n'ai pas compris un seul mot de ce que tu viens de dire. Parle encore plus chinois, si ça se trouve je vais tilter. »

— Jeffi ejan zekreu bad fiedbo ef hudfopâ dij higev pad, répondit l'autre homme en face de moi

Ah ça y est ! Cette fois j'ai cru comprendre un mot ! En fin de compte, Luke desserra ses mains de mes bras et, dans un mouvement d'épaules, je pus enfin me libérer entièrement de son emprise. C'est qu'il avait une sacrée poigne ce gars-là.

— Mäjo fih nyg ize uhec maj wuns iq ei sieh mezib iozu üeb.

Non en fait, je crois que je vais laisser tomber. Je ne comprenais vraiment rien. J'avais dû être expressive sur mon visage car l'homme que je ne connaissais pas venait de reporter son attention sur moi. Il n'avait rien ajouté. Je ne savais pas si le pire était que nos yeux étaient plongés dans ceux de l'autre ou le fait qu'aucun de nous deux ne prononce le moindre mot. J'avais une drôle d'impression quand je le regardais. Ce n'était pas du tout comme la première fois où j'avais vu Luke. Non, le sentiment que j'avais était totalement différent.

— Bon Jemma tu vas m'accompagner et Luke tu t'occupes de son ami.

Je ne croyais pas avoir entendu mon prénom dans leur discussion. Suivre un inconnu qui parle une langue bizarre pendant que son frère « s'occupait » de Matthieu, non merci. Même si le double de Luke m'inspirait un peu plus confiance, je ne voulais pas leur faire confiance aveuglément.

— Mes parents m'ont toujours appris à ne pas suivre un inconnu.

— Je ne suis pas si inconnu que ça.

Qu'est-ce qu'il voulait dire par « Je ne suis pas si inconnu que ça » ? Irrité de ma réflexion, Luke lâcha avec gausserie :

— Et puis, ils t'ont aussi appris à prendre le biberon à telle ou telle heure ? T'es encore un bébé ? Tu veux peut-être qu'on te change ta couche ?

— Non le mot « prudente » serait certainement plus approprié dans ce cas présent. Je n'ai juste pas envie qu'un dégénéré me torture pour après me tuer, le contredis-je.

Ahg ! J'en avais marre de ce type-là ! Maintenant, il m'énervait vraiment. Mais où était donc passé le mec séduisant de ce matin ? Moi qui l'avais comparé à l'homme idéal et bien j'étais tombée dans le panneau. Comme on dit, l'habit ne fait pas le moine et encore moins quand on parle de mecs.

Ma répartie avait détendu l'homme qui se trouvait en face de moi. Suite à la remarque désobligeante de Luke, il s'était crispé et l'avait fusillé avec ses deux yeux.

— Quel est votre nom et comment ça se fait que vous connaissiez le mien ? On s'est déjà rencontré ?

— Je me nomme Tyler Wyllis, annonça-t-il d'une voix qui se voulait posée.

Ce prénom, ce visage me disaient quelque chose mais incapable de me souvenir où et quand. Ce gros trou noir était probablement dû à l'accident. En faisant le rapprochement avec le nom de famille de Luke, je questionnai :

— Vous êtes de la même famille ?

Je remarquai que Luke voulut répondre mais il n'en eut pas le temps car Tyler l'avait coupé dans son élan.

— C'est mon petit frère, déclara-t-il.

Luke parut tout d'abord surprit par son attitude mais ne dit rien pour ne pas éveiller davantage ma curiosité. Il tourna les talons et nous laissa seuls. D'un geste du bras, Tyler m'incita à prendre place dans le salon pour que l'on puisse discuter. Je passais donc devant et il me suivit de près.

Une fois arrivée près de la table, je tirai une chaise et m'assis doucement, mes yeux ne quittant pas l'homme qui me faisait face. En temps normal, je me serais affalé dans le dos de la chaise et j'aurai laissé échapper un grand soupir. Mais là, la discussion que nous allions avoir me paraissait sérieuse. Il attendit un peu avant d'entamer le dialogue.

— Ces derniers jours, commença-il, tu ne t'es pas trouvée différente des autres filles ?

Je fonçai un sourcil et arqua l'autre.

— Comme tous les jours depuis ma naissance. Je ne vois pas où vous voulez en venir.

— Tu peux me tutoyer si tu le souhaites.

Je ne répondis rien à son invitation. Je ne lui faisais pas assez confiance pour le moment. Il reprit, voyant que sa tentative de rapprochement avait échoué.

— Je voulais dire bizarre dans le sens « étrange ». Par exemple, la nourriture te dégoûte, tu ressens une attirance pour les personnes que tu côtoies, qui t'entourent. Cette attirance tu l'as pour tout le monde sauf moi et mon frère. Tu découvres que tu as des capacités plus élevées qu'en temps normal. Tes sens aussi sont plus affûtés...

Je levai la main pour le stopper dans son élan. Tout ce qu'il venait de dire était le résumé des dernières heures qui venaient de s'écouler. C'était indiscutable. Il est vrai que je n'avais pas remarqué que Luke ne m'attirait pas, différemment de cet aprèm avec Matthieu. Je m'en rendais compte maintenant : j'étais réellement différente. Qui était-il au juste pour savoir tout ça ?

— Vous êtes médecin ? Vous êtes venu me faire cette mise en scène parce que vous allez me dire que je viens j'ai une maladie très grave et que je n'ai que quelques heures à vivre avant ma mort et...

— Respire !

Il afficha son premier sourire depuis qu'on s'était vu. L'éclat blanc de ses dents me parut irréel. Il faillit m'arracher un sourire mais j'étais si sérieuse que je n'en fis rien.

— On va dire que c'est un peu le contraire. Et pour répondre à ta question, je ne suis qu'un simple cadre dans une entreprise.

« Un peu le contraire » ? J'en avais ma claque que l'on sous-entende des choses sans me les dire directement.

— Vous pourriez être plus précis ? Allez droit au but.

Il mit ses bras sur la table et s'appuya un peu dessus, les mains jointes. Nos regards étaient comme aimantés l'un à l'autre. Je sentais que ni lui, ni moi ne voulions casser ce phénomène. Puis, il me posa une simple question.

— Tu en es sûre ?

Oui, j'en étais absolument certaine ! Vas-y ! Dis-moi ce qu'il se passe qu'on en finisse. Cela se passa comme si je lui avais répondu de vive voix. Il prononça cinq mots qui allaient changer le cours de ma vie à tout jamais.

— Jemma, tu es un vampire.

𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐉𝐞𝐦𝐦𝐚 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant