Chapitre 20

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Dans la voiture, Tyler attendait que je sois prête pour rentrer chez moi. L'absence de ma mère dans la maison m'effrayait. Elle me manquait horriblement. J'avais peur de craquer et de pleurer avec ou sans larmes. Ce ne serait pas simple car nous allions nous retrouver en tête à tête avec mon padré.

Pendant l'après-midi avec les garçons, je m'étais encore une fois transformée. Ces changements commençaient à beaucoup m'épuiser. Et si mon père me voyait pleurer sans verser aucune larme, il me prendrait pour une folle. Il penserait tout d'abord que ce serait dû à l'accident et il n'aurait pas tout à fait tort. Mais il comprendrait petit à petit que quelque chose clochait chez moi.

Je soufflai profondément puis j'ouvris la porte de la voiture. Nous venions de déposer Luke à leur domicile et j'avais repris mon sac de cours comme prévu. Le vampire ne nous avait pas accompagné, prétendant avoir un truc à faire. Quant à Tyler, il ne m'avait pas laissé le choix de m'accompagner.

Je sortis du véhicule. Tyler me suivit. Nous remontâmes le chemin menant à l'entrée de la maison et nous nous arrêtâmes devant la porte. J'avais déjà senti l'odeur de mon père au niveau de la route mais là elle se faisait plus intense. Je ne savais pas comment j'allais réagir. Je me retournai vers mon accompagnateur et il me sourit.

« Tout va bien se passer, j'en suis sûr. »

Il essayait de me rassurer mais cela ne fonctionna pas tellement. Je pris mon courage à deux mains et je tournai la poignée. Là, j'eus la surprise de tomber directement sur mon père.

— Que s'est-il passé ? me demanda-t-il.

Je ne pensai plus à rien. Je fis le vide en moi pour ne pas avoir la tentation de le mordre. Je fixais mes pieds sans lever une seule fois les yeux. Je ne voulais pas me trahir.

— Jemma a fait un malaise. Elle avait besoin de repos et comme nous étions près de chez nous, nous l'avons hébergé pour la nuit. Ne vous en faites pas, elle va mieux. Elle a juste besoin de beaucoup de repos.

Mon père sembla approuver la sage décision pendant que je disais à Tyler : « Près de chez vous ? Il y avait au moins deux miles pour y aller ! ». Le vampire ne sembla pas relever ma remarque. Tout ce qui lui importait c'était que mon père boive ses belles paroles. Le mettre ok sur tous les détails pour qu'il évite de me poser des questions par la suite. Pas bête ce maudit vampire.

Garder le contrôle de ma soif me prenait toute mon attention. Je ne voulais pas paraître bizarre. Avec les récents évènements, mon silence n'allait pas être trop dérangeant. Finalement, après quelques minutes de discussion, Tyler quitta la maison, me laissant seule avec mon père. En refermant la porte, il me demanda :

— Alors, tu vas mieux ?

Malgré qu'il ne montre pas qu'il se préoccupe de moi, il restait tout de même mon père. Et maintenant le seul parent qu'il me restait. Pour une fois qu'il ne me donnait pas des ordres. Je lui répondis d'une voix faible :

— Ça fait bizarre sans maman...

— Tu vas t'y habituer. Enfin ce n'est pas ce que je voulais dire, se rattrapa-t-il maladroitement. Simplement que c'est toujours ça au début, on a du mal à s'adapter mais par la suite tu verras que tu t'en sortiras. Tu veux aller te reposer un peu avant de manger ?

— Hum...

Je ne voulais pas parler de ça. Aussi étrange que cela puisse paraître, j'avais encore moins envie d'aborder ce sujet avec mon père. J'aurais eu l'impression de parler à un étranger. Je n'étais pas trop proche de lui. Son travail lui prenait non seulement du temps mais aussi presque toute son attention. Il avait toujours su faire face à des situations difficiles et cacher ses émotions était relativement facile pour lui. Je ne savais jamais ce qu'il pensait de telle ou telle chose. Il avait toujours un visage qui ne laissait rien transparaître.

Lorsque j'étais petite, Maman justifiait ça par « Ton papa est une sorte de super héros, il sauve des vies ». Il est vrai qu'il a sauvé de nombreuses vies quand il était muté pendant plusieurs semaines à Londres pour des missions. Il était intervenu dans des braquages, des cambriolages, lors de kidnappings...

Mais rapidement, je m'étais rendue compte qu'il ne pouvait pas sauver toutes les vies. Son visage laissait transparaître des défaites, des échecs durs à supporter. Des cheveux gris avaient commencé à apparaître alors qu'il n'avait que la trentaine. Je l'avais toujours connu avec des cheveux mi brun mi gris.

Aujourd'hui encore, la fatigue le rendait plus âgé. Il n'avait pas dû dormir beaucoup depuis l'annonce. Il tremblait un peu en ramassant des assiettes qui venaient d'être passées dans le lave-vaisselle. Le bruit qu'elles faisaient lorsqu'elles s'entrechoquaient me rappela de nombreux souvenirs et le vide d'une personne.

— Je vais me poser dans ma chambre, déclarai-je en commençant à monter les escaliers.

Avant de refermer la porte, j'entendis sa voix autoritaire.

— Tu redescendras dans dix minutes pour le dîner.

Je ne donnai pas de réponse car je savais très bien que si je disais non, il allait venir me chercher et il me traînerait jusqu'à la cuisine s'il le fallait.

Je me jetai sur mon lit et lâchai un long soupir. J'encerclai l'oreiller de mes bras en posant ma tête dessus. C'était dur de ne rien dire à personne. En me tournant sur moi-même, je sentis mon portable dans la poche arrière de mon jean.

Je le pris et décidai d'envoyer un message à Matthieu. J'appuyais sur l'interrupteur mais l'écran resta noir. Pas la peine de s'acharner, il ne fonctionnait définitivement plus. Quel dommage...

Je n'avais personne avec qui communiquer. Matthieu était injoignable car mon téléphone était mort et ce que je voulais dévoiler était trop personnel pour pouvoir en parler aux frères vampires. Je ne leur faisais pas autant confiance qu'à mon meilleur ami.

Je me sentais si seule dans ce monde. Ma mère venait de nous quitter et c'était comme si elle avait emporté une grande partie de moi. Tous les moments de bonheur habitant cette maison, tout mon amour pour la vie, toutes les petites choses qui me permettait de me sentir vivante. Toutes ces choses-là, j'avais peur de les avoir perdus à jamais.

Je savais que je devais faire en sorte de ne pas trop penser à ce genre de choses mais j'avais mal au cœur. Depuis quelques jours, un vide s'était créé en moi et j'avais la certitude que je ne pourrais jamais le combler. Heureusement que Matthieu était là pour moi.

Je me retournais encore une fois pour me remettre sur le ventre. Je n'avais pas sommeil. Je ne savais pas comment occuper mon esprit pour éviter de trop penser à ma mère. Je n'avais pas la motivation ni pour lire, ni pour écouter de la musique ni pour faire quoique ce soit. Venait s'ajouter à tout cela l'odeur humaine omniprésente dans la maison.

Pourrais-je un jour m'habituer à cette nouvelle vie ?

𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐉𝐞𝐦𝐦𝐚 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant