TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]

10 - Premier voyage

Selene

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J'ai toujours renoncé à mes rêves pour faire perdurer notre ferme et rendre fier mon père. Alors je n'ai jamais réellement quitté la cité des Non-Mages. Aujourd'hui, je laisse derrière moi le corps froid de mon père, pour suivre deux inconnus qui ont tenté de me vendre à des Mages. Il faut croire que je suis prête à tout pour revoir mon père un jour.

J'ai déposé des fleurs de Germonium autour de son corps que j'ai recouvert d'un drap propre. Ces fleurs sont connues pour leur faculté de préservation. On les utilise principalement pour conserver la viande. Leurs pétales sont bleues, presque blanches et givrent tout ce qu'elles touchent. Je souhaite retrouver son corps aussi intact que possible, c'est pourquoi notre voyage ne doit pas trop durer. Les fleurs fanent au bout d'un certain temps sans entretien.

J'enfile un pull par dessus ma chemise puis un manteau. Je garde mon fusil, mon sac avec mes provisions. Des provisions que je ne partagerai pas avec eux.

Nous prenons la route, en plein milieu de la nuit. Nous utilisons la calèche de mon père, tiré par deux ânes plutôt robustes, je les ai nommé Poil et Gris, j'étais toute petite et je manquais d'inspiration à cette époque. Ce n'est pas une voiture de luxe, nous n'avons pas de toit pour nous protéger de la pluie mais pouvons au moins profiter de l'air ambiant, des odeurs de la nature et surtout, je peux sauter à tout moment si l'un de ces deux bougres tentent de me tuer. Je tiens les rennes, assise entre Gabriel et Fred. Les premières minutes du trajet se font dans un silence glacial. Je sens que ce voyage risque d'être long.

— Sinon, nous devrions nous présenter, commence Fred après près d'une heure de trajet dans un triste silence.

— Pas la peine, grommelle Gabriel.

— Allons-y, commencez et je me présente ensuite.

Je dis cela uniquement pour aller à l'encontre de Gabriel. Je hais cet ingrat personnage, je ne supporte même pas le son de sa voix grave, son air condescendant, sa façon de se tenir, de se comporter... Il me débecte. Je l'entends soupirer tandis que Fred prend la parole :

— Et bien je me nomme Frédérique, mais je préfère que l'on m'appelle Fred, c'est plus court. Je suis âgé de trente petites années et je travaille pour Baralf le Brutal. Enfin... je travaillais évidemment. Avant d'être recruté par Baralf, j'ai été serveur dans une taverne à Balti, mais j'avais tendance à piquer l'argent des bourgeois chaque fois qu'ils étaient ivres. Dans une ville si riche, je ne gagnais que quelques Stozars et vivais dans un taudis. Avec Baralf, je me faisais beaucoup d'argent, j'ai une maison près de la mer au Sud de Fortya, pas loin du grand fort d'Atya qui trône sur l'océan.

Je hausse les sourcils. Quel étrange parcours de vie. Fred m'a l'air moins détestable que Gabriel, peut-être que je supporterai davantage sa présence à celle de l'autre goujat. Nous regardons tous les deux Gabriel alors que nous quittons presque totalement la cité des Non-Mages. Je ne souhaite pas me retourner, je ne souhaite pas ressentir un pincement au cœur en songeant à mon père ou mes amis que je ne reverrai peut-être jamais.

— Gabriel ? insiste Fred.

—  Je ne me présente pas. Toi, petite sauvage que tu es, donnes nous donc ton prénom. Tu connais le nôtre. On fait équipe, non ?

—  Je fais équipe avec Fred, toi... tu es juste un boulet que je dois traîner.

Il esquisse un sourire sarcastique puis détourne le regard.

—  Ce n'est pas parce que je suis un homme que j'épargne les femmes dans ton genre... alors surveilles ton langage.

Je tourne ma langue dans ma bouche puis soupire longuement. Restes calme, penses à autre chose, le voyage passera vite.