TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]

11 - Plus jamais seule

Selene

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Dans cette maison insalubre, j'ai tout de même droit à un espace rien qu'à moi. Alors que je me tiens face au miroir couvert de poussière, je délie ma tresse, lentement, tout en fixant mon reflet. Mes yeux sont cernés, mes joues ne sont plus si réhaussées et rosies comme au auparavant, mon teint laisse penser à une femme qui ne prend plus soin d'elle. Ce qui est le cas, en réalité.

Tout se mélange dans ma tête, j'en ai presque la migraine. Entre les dires de Ronan et le caprice de Gabriel et Dani, je me sens prise au piège, sans avoir mon mot à dire.

Peut-être qu'ils ont raison, peut-être que ce plan était le mauvais, mais il fallait essayer. J'ai au moins pu voir ce qu'il restait de l'Ordre des Trois Couronnes et c'est loin d'être ce à quoi je m'attendais. On est bien loin de l'Ordre quand Kira était encore enfant. Dorénavant, ce ne sont plus que trois Elfes, en quête d'une guerre inachevée.

Je lâche mes cheveux, frotte mon crâne. Ils sont longs et c'est bien la seule chose qu'il reste de beau sur moi. J'aperçois Gabriel dans l'embrasure de la porte à travers le reflet. Il croise les bras, s'appuie contre le bois et m'observe par le biais du miroir.

— Tu devrais lâcher tes cheveux plus souvent, commence-t-il.

Je hausse les sourcils puis passe mes doigts entre mes nœuds.

— Serait-ce un compliment qui sort de ta bouche ?

— C'est possible, mais n'en prends pas l'habitude.

— Ne t'en fais pas pour ça.

Un court silence plane durant lequel je n'ose même pas apercevoir son reflet. Il me hante depuis si longtemps, je repense à tout ce que nous avons traversé et ce que nous avons partagé... Mais je le revois aussi détruire tout ce qui se trouvait autour de nous, même si je sais qu'il n'était pas conscient à cet instant, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il est dangereux de rester près de lui. 

—Selene, est-ce qu'on peut parler ?

— C'est ce qu'on fait, non ?

Je le suis des yeux, sans me retourner. Je le vois qui passe sa main sur un meuble poussiéreux tout en poussant un profond soupir. Il avance lentement, scrute les lieux.

— Tu m'en veux, constate-t-il.

— Tu m'avais dit que tu me faisais confiance, Gabriel.

— Et c'est le cas.

— Alors pourquoi tu m'as ramenée de force ?

— Parce que je ne fais pas confiance à Kira, ni à l'Ordre des Trois Couronnes.

— Il faudrait apprendre à écouter d'autres personnes que toi même.

Il me jette un regard puis secoue la tête.

— Mh... non, je ne suis pas d'accord avec ce que tu dis. Je te fais confiance, mais je n'ai pas envie que tu meures bêtement.

— Je n'allais pas mourir, soupiré-je.

— Adriel est un Mage Blanc, ce n'est pas Emilius, votre petit manège aurait duré un temps avant qu'ils ne s'aperçoivent de la supercherie. D'ailleurs, cette femme Elfe qu'on a croisé avant qu'on ne traverse le Passage semblait déjà bien sûre d'elle.

Je me retourne vers lui et m'adosse contre la commode sur laquelle repose le miroir. Il s'arrête enfin de faire le tour de la pièce et me toise. Il est loin de moi et j'aimerais qu'il soit plus proche, mais à la fois, ma fierté me pousse à lui en vouloir, au moins un petit peu.