18 - Un Palais Utopique

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Selene

•••

Nous battre à nouveau ? Impossible, les Wealers sont trop nombreux et surtout, trop robustes. A lui tout seul, Dorius ne pourra pas les éliminer. Il convient donc de quitter cette forêt bien rapidement.

Comme la première fois, ici, la brume est épaisse et empiète sur notre vue. Nous avons abandonné la calèche tout comme l'espoir de retrouver Fred et nous courons désormais sur le chemin que suivaient les chevaux, sans nous arrêter. Avec l'environnement peu décent pour y voir quelque chose, nous sommes incapables de savoir où se trouvent les Wealers. Nous pouvons entendre leur souffle, leurs pas rapides tout autour de nous, les craquements des brindilles sous leurs énormes pattes, leurs grognements de bêtes assoiffées de sang...

Je cours, au point de ne sentir plus que mon cœur battre contre ma poitrine. Un goût âpre imprègne ma langue car je suis à bout de souffle mais je ne m'arrêterai pas. J'ai chaud, je peine à respirer et un point de côté me fait douloureusement souffrir. Je cours si vite, poussée par l'adrénaline que certaines fois, on dirait presque que mes pieds décollent du sol.

Je n'ose même pas regarder derrière moi et de toute façon, le calvaire prend fin par une brutale chute. Nous n'avons pas vu le gouffre devant nous, à cause de toute cette brume. Je pousse un cri, je roule dans la terre, les feuilles mortes. Mon dos heurte un rocher, ma jambe frappe contre un arbre. Je sens le moindre obstacle frapper mon corps avec violence, sans que je ne puisse rien y faire. Puis enfin, tout s'arrête.

Je finis à plat ventre sur un tas de feuilles humides, avec le chant des oiseaux qui parvient finalement jusqu'à mes oreilles, ce chantonnement parait serein après ce que nous venons de traverser. La sueur sur mon front colle des mèches de mes cheveux à ma peau, tandis que mon cœur continue de battre à tout rompre.

Je relève simplement la tête, la vue troublée par ma chute, un grand champ de blé s'étend à quelques mètres de là, il ne reste plus qu'une dizaine d'arbres, la brume, elle, a disparu. Je peux simplement entendre l'écho des grognements des créatures au dessus de nous. C'est terminé.

La toux de Gabriel me fait me retourner sur le dos. Quand je regarde sur la droite, je le vois se relever difficilement. Sa jolie veste en cuir est dans un piteux état et lui aussi. Sa main est couverte de sang, tout comme son bras. Il se relève, titube puis s'appuie contre un arbre. Là, il se penche en avant pour régurgiter de la bile. Quand je regarde à gauche, Dorius s'appuie sur ses mains pour se relever. Enfin, il se dirige vers moi pour m'en tendre une afin que je l'imite. Je l'attrape volontiers et me voilà debout. Je grimace quelque peu, mes oreilles sifflent. J'ai dû me cogner la tête en tombant.

— Bordel... peste Gabriel en se redressant.

Il passe sa main sur son visage crasseux puis nous jette un regard à tous les deux.

— Comme c'est mignon, ils se tiennent la main.

Je retire aussitôt ma main de celle de Dorius, passe mes cheveux emmêlés derrière mes oreilles puis enjambe les hautes herbes pour rejoindre le champ. J'entends qu'ils me suivent, sans un mot. De là où nous sommes, nous pouvons voir la pointe du palais, il est encore à plusieurs kilomètres, mais ce ne devrait plus être long.

Je m'arrête près d'un épouvantail posé au milieu du champ. Je le prive de la corde qui maintenait l'un de ses bras puis me tourne vers Gabriel qui me rejoint tout juste.

— Tes poignets, ordonné-je.

— Je suis blessé.

— Je m'en fiche.

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Where stories live. Discover now