12 - Plan B

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Gabriel
•••

— Nous y voilà enfin, commencé-je en m'écartant de Selene et m'approchant du spectre qui la hante. Je peux enfin rencontrer le très célèbre Adriel de Vernillac.

Ce dernier se lève de la commode et s'arrête devant moi, le menton levé et l'air hautain. Je le pensais plus petit, mais en réalité, il me dépasse d'une tête presque, cet homme frôle probablement les deux mètres.

— Ce n'est pas un plaisir de vous rencontrer, Gabriel.

— Quel honneur, rétorqué-je avec sarcasme.

Il plisse les paupières puis se concentre sur Selene qui se poste à côté de moi. Elle semble toujours étonnée du fait que je puisse le voir. Je dois admettre que je le suis aussi. Mais ce n'est pas pour autant que je dévoilerai mes faiblesses à ce fantôme.

— Comment peut-il te voir, Adriel ? Souffle-t-elle.

— Je suppose qu'il est à un stade où sa perception évolue. Il a un pied dans le monde des vivants et un autre dans celui des morts.

Elle passe sa main dans ses cheveux lâchés. Et Seigneur qu'elle est belle sans cette tresse, ses cheveux bruns sont ondulés, soyeux, ils sentent bon et sont si longs qu'on aimerait y plonger la main.

— Adriel, as-tu entendu notre conversation avec Dani ?

— Non mais je sentais que tu pensais à moi. Avais-tu besoin que ce Don Juan s'écarte de toi ?

Je hausse les sourcils, lance un regard à Selene qu'elle évite aussitôt.

— Euh... non, c'est juste que...

— Je vais la faire courte, l'interromps-je. Si je peux vous voir et si Selene peut vous voir, c'est qu'il y a forcément le moyen de vous délier d'elle, ce qui signifie aussi, qu'Emilius peut être délié de moi.

— Et n'avez-vous crainte qu'il vous entende ? s'étonne Adriel.

Je secoue la tête et croise les bras. 

— J'aimerais mieux dire oui mais... Hoestrid s'est chargée de le ralentir, au moins pour un temps. 

Adriel me toise un long moment, l'air interloqué avant de comprendre.

— Oh, je vois. Un énième sacrifice.

— Quoi ? interroge Selene.

— Nous en parlerons plus tard, grommelé-je.

— Non, Gabriel. Il est arrivé quelque chose à Hoestrid ?

— Oh, je dirais qu'il est arrivé quelque chose à Hoestrid et à... hm... Aida, c'est ça ? reprend Adriel.

Je serre les mâchoires. Mon sang ne fait qu'un tour, j'ai déjà envie de lui arracher la tête.

— Gabriel ?

Je me tourne vers Selene qui m'appelle, je humecte mes lèvres alors qu'elle plonge son envoûtant regard dans le mien. 

— Ce n'est vraiment pas le moment d'en parler, Selene... rétorqué-je fermement. 

Je me sens suffisamment fautif sans compter que je ne veux plus voir dans son regard, cet air qu'elle avait lorsque nous nous sommes rencontrés, celui qui me faisait comprendre qu'elle me pensait monstrueux.

Elle me parait cependant déçue et en colère mais je suppose qu'elle garde ses émotions pour elle. Je ne fais donc que la décevoir depuis nos retrouvailles visiblement.

— Pour en revenir à nos moutons, poursuit Adriel, non, ce n'est pas possible de nous délier.

Je plisse les paupières et le jauge un long moment. Je sens qu'il ne dit pas tout et je suppose que Selene lui fait trop confiance pour s'en rendre compte.

— Ne mens pas, tu es mort. Tu n'as plus rien à perdre, reprends-je.

— Et toi, Gabriel, n'en as-tu pas assez de souffrir ?

— Bien-sûr que si, je suis fatigué. Mais s'il y a un moyen de retirer ce spectre de ma tête, aussi douloureux soit ce moyen, alors je le prends sans une once d'hésitation.

— Est-ce que ça tuerait Emilius ? demande Selene.

Adriel secoue la tête négativement.

— Non... malheureusement. Ça lui redonnerait apparence humaine, nous pourrions le voir comme vous me voyez mais en plus de cela, il aura son pouvoir et sera en capacité de vous atteindre physiquement.

— C'est déjà le cas, commenté-je.

— Il te tourmente, certes, mais il ne tourmentait pas Selene.

— Oh non, il détruit simplement tout notre monde.

Adriel pousse un profond soupir, s'assoit sur le fauteuil face à la fenêtre au rideau déchiré puis semble sceptique, trop pensif.

— Es-tu prêt à te délier de Selene ? interroge-je.

Cette dernière reste en retrait alors que je contourne le fauteuil pour trouver le regard du roi fantôme.

— Si je suis prêt à me délier de la Médium ? répète Adriel. Oui, je le pense. Mais si nous faisons cela, si nous tuons Emilius alors qu'il n'est plus en toi, alors cela effacera tous nos souvenirs.

Selene s'avance à son tour. Je m'efforce de ne pas la regarder, mais j'ai cette envie oppressante de la prendre dans mes bras encore une fois. J'aimerais que toutes ces tensions s'apaisent, nous ne savons pas si demain, nous pourrons encore nous parler ou nous toucher, sans risquer de se tuer l'un l'autre. 

— Qu'est-ce que ça veut dire ? s'enquit elle.

— Ça signifie qu'après cela, nous disparaîtrons pour toujours. Emilius et moi n'auront plus aucun résidu de nos souvenirs dans ce monde. 

Un court silence s'abat sur nous, le temps que cette information rentre bien dans nos méninges. Selene semble quelque peu attristée. Je n'en suis pas affecté, Emilius me torture beaucoup trop pour qu'une pointe d'empathie y est sa place mais sa relation avec Adriel me semble plus saine.

— Adriel...

— Selene, l'interrompt-il aussitôt. J'ai fait mon temps, je vous cède ma place volontiers. Par contre, il va falloir braver les Ténèbres encore une fois et tout cela ne sera pas sans conséquences. Emilius enfin libre sera incontrôlable.

— Mais encore ? grommelé-je.

— Il faut nous ramener à l'endroit même où nous avons été tués et nous devrons repartir aussitôt Emilius libéré.

Adriel me regarde puis regarde Selene. Je sais déjà ce qu'il va dire. Rien ne me fait peur, sauf peut-être l'idée qu'elle perde le pouvoir d'Adriel et donc, qu'elle devienne plus vulnérable. 

— Nous devons retourner à Atya et rejoindre l'Arbre de Vie.

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Where stories live. Discover now