26 - Une lutte contre les ténèbres

623 95 3
                                    

Selene

°°°

Lorsque Gabriel s'est réveillé et qu'il a frappé le sol de sa main, j'ai aussitôt fermé les yeux, par réflexe. J'ai senti les ténèbres, car je serai capable de reconnaître leur odeur entre mille. Ce mélange de suie et de mort...

Lorsque j'ouvre un œil, puis l'autre, mon bras droit est tendu en avant, ma paume grande ouverte et un halo lumineux m'entoure ainsi que tous mes amis, qui, eux aussi, semblent surpris. Je vois, à ma droite, Adriel, debout, dans la même position que moi. Je crois qu'il est comme mon reflet ou alors, je suis son reflet. Gabriel relève la tête, constate avec stupéfaction qu'il n'est pas parvenu à nous anéantir.

Je sens mon coeur qui tambourine contre ma poitrine, alors que mes larmes noient mes yeux. Il me regarde, les sourcils froncés. À l'extérieur le vent s'agite, le bateau tangue et l'orage gronde.

— Gab... Gabriel... tenté-je les sanglots me nouant la gorge.

Il ferme son poing puis le frappe avec violence contre le halo lumineux qui forme un dôme dans la soute. Mes pieds glissent sur le sol, Adriel pousse un grognement que je suis la seule à entendre. Sa force vient s'étaler sur le dome et pulse dans mon bras encore tendu. Il recommence une seconde fois, ce qui arrache un cri de peur à Aïda. Une troisième fois, je baisse la tête, me mord la lèvre. J'ai l'impression de lutter, avec Adriel, contre les ténèbres.

Lorsque Gabriel se redresse, ses poings sont serrés et de ceux-ci émane une brume épaisse et noire. J'aimerais qu'il me réponde, j'aimerais qu'il me voie...

— Gabriel, je sais que tu m'entends ! Je t'en supplie, bats-toi...

J'écarquille les yeux lorsque je vois une lame transpercer son abdomen. Je pousse un hurlement, horrifiée mais je suis incapable de baisser le bras, parce qu'Adriel est décidé à protéger ce bateau des ténèbres. Gabriel baisse la tête vers cette lame qui se retire délicatement de ses chairs. Je sens les larmes dégringoler sur mes joues alors que j'assiste à un sinistre spectacle.

Gabriel se retourne lentement tout en posant sa main sur sa plaie qui saigne abondamment sur son torse nu. Il fait alors face au prince Elfe, Artus qui a échappé au halo lumineux d'Adriel. Il poste sa lame devant son visage, menaçant, prêt à se battre.

Gabriel abat un amas de noirceur sur le prince qui l'esquive de justesse, souple et agile comme il est. Lorsqu'il tente de lui asséner un nouveau coup de sa lame, il la saisit de sa main nue. Celle-ci vient trancher la peau de sa paume et les deux hommes se font face, comme deux animaux. Artus semble surpris, notamment lorsque sa lame d'argent est réduite en miettes par les ténèbres. Elle part en lambeaux et ses cendres s'échouent sur le sol, aux pieds de son propriétaire. Aussitôt, Gabriel saisit sa gorge pour l'observer, ses yeux toujours aussi noirs.

— Enlevez cette magie blanche, que j'aille aider mon fils ! gronde Cristoff.

— Je suis déçu, souffle Gabriel d'une voix enrouée. Déçu de voir un Elfe tenter de me tuer...

Artus garde ses mains sur celle de Gabriel, sur la pointe des pieds, le souffle coupé. J'ai beau tout essayé, je ne parviens pas à baisser mon bras et Adriel semble déterminé. Je sens l'énergie circuler dans mes veines et me fatiguer de plus en plus. C'est comme une compression constante, avec cette sensation d'un membre qui pèse une tonne.

— Je croyais que les elfes de mon Royaume m'idolâtraient encore. Je croyais être celui qui vous sauverait de l'oubli.

— Emilius ! appelle Cristoff.

Gabriel tourne la tête vers lui, sans lâcher son fils.

— Par tous les Dieux, ne tuez pas mon enfant !

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant