TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]

21 - Le dernier repas

Nous sommes tous assis autour de cette grande table, dans une pièce aux voutes sculptées, là où la grande cheminée réchauffe l'atmosphère d'un feu constamment alimenté par des gardes. La reine Kira se trouve en bout de table, sa couronne sur la tête, le teint blafard mais gardant une prestance à toute épreuve.

— Je vous ai tous demandé de vous rendre ici, en pleine nuit, pour un dernier repas. La tradition à Easianor, et c'est ce que mes parents me répétaient sans cesse, est de prendre un dernier repas avec ses alliés, avant une guerre. Alors, j'ai rassemblé tous ceux que je pensais être mes alliés, et ce, malgré leurs multiples trahisons... j'estime que nous avons tous droit à un repas copieux, probablement le dernier, tous ensemble réunis. Alors, je lève mon verre, à notre dernier espoir de sauver les Trois Couronnes.

Kira lève son verre de vin, je regarde autour de moi, personne ne l'imite. Je suis alors la première à le faire, les autres ne tardent pas à suivre ; d'abord Gabriel, puis ensuite Dani, Baralf, Aowyn, Artus, Fred et même Adriel.

— Alors, je vous en prie, servez-vous et mangez tout ce que vous souhaitez, reprend la reine en désignant les multiples plats.

Les domestiques lèvent les cloches sous lesquelles sont entreposés du porc, du poulet et des pommes de terre ainsi que certains fruits. Je suppose, les dernières rations du palais, étant donné que les récoltes sont dorénavant toutes détruites. Tout le monde se sert son assiette, sauf Kira et moi. Je suis aussi en bout de table. Je la regarde, alors qu'elle observe ses convives mais son teint laisse penser qu'à tout moment, elle pourrait rendre son dernier souffle.

— Puisque c'est notre dernier repas tous ensemble, on peut tout se dire, n'est-ce pas ? Commence Artus la bouche pleine.

— Oui, rétorque Kira. C'est le moment.

— Eh bien, je tiens à dire que Gabriel est le pire des traitres que je n'ai jamais connu.

Ce dernier a un hoquet de surprise, avale sa bouchée puis tourne la tête vers Artus à sa droite.

— Je veux dire, toi et moi, nous avions fait un marché, reprend Artus en se concentrant sur le concerné.

— Oui, commence Gabriel, et puis j'ai parlé avec ma soeur et le marché s'est annulé. Je ne t'ai rien promis, maudit elfe que tu es.

Artus termine son verre, les sourcils haussés. Il le pose doucement sur la table, humecte ses lèvres, un sourire narquois sur le visage.

— J'ai cru, presque un instant, que nous avions fait la paix mais finalement, j'ai dû me tromper. Tant que tu vivras, il y aura un risque pour tout le monde.

— Emilius ne possède plus le corps de Gabriel, interviens-je.

— Rien ne nous confirme qu'il ne peut pas reprendre le contrôle sur lui.

— OK, parlons-en l'Elfe, toi, tu as tué des tas d'innocents, tu as déjà oublié ? J'ai été une menace, mais je n'en suis plus une. Alors soit tu acceptes que notre marché n'en est plus un, soit tu quitte ce palais et tu retournes pleurnicher dans la rue, peste Gabriel.