19 - Seul face à ses démons

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Gabriel

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Je suis jeté dans un cachot provisoire, le temps de mon jugement. Je suis donc nouveau résident du Donjon Est du château. Ici, le soleil passe par les meurtrières fines et inaccessibles pour un homme de taille normale. L'odeur d'humidité, de pisse et de transpiration agresse les narines de quiconque vient de l'extérieur. Moi le premier.

La porte en bois brut et épais est refermée lorsqu'on me jette à l'intérieur de ma cellule. Il n'y a qu'un regard léger me permettant d'apercevoir les allers et venus des gardes lors de leur patrouille uniquement s'il est ouvert. Le plus désagréable dans ces cachots maudits, c'est la présence d'un Érudit, qui, par ses pouvoirs, torture l'esprit.

J'ai terriblement mal au bras, alors je retire ma veste en cuir que je jette au sol, puis relève la manche de mon pull, ainsi, je découvre une morsure plus profonde que ce que je pensais. Les marques des crocs du monstre sont imprimées sur ma peau pour le restant de mes jours. Ma chair est boursouflée, rouge, pleine de croûtes mal formées car je n'ai pas nettoyé ma plaie.

Je serre et desserre les mâchoires, je tourne en rond dans cette si petite pièce. Il y a des toiles d'araignées entre chaque pierre, au plafond... vu les trous dans les murs, je suppose que les rats ont élu domicile ici et le saut qui me sert de toilette est déjà plein d'excréments dégustés par de grosses mouches.

Je frappe mon pied contre la porte, une fois, puis deux.

— Je suis blessé ! J'ai besoin d'un médecin !

Personne ne me répond. Alors je frappe à nouveau la porte, le bruit de l'impact de ma semelle contre le bois résonne en plusieurs échos dans le donjon.

— Faites moi sortir !

Quelqu'un ouvre le regard brutalement et je croise alors des yeux violets, comme ceux d'Hoestrid mais ceux-ci sont masculins.

— Tais toi ou je te torture, ordonne l'Érudit.

— Tu as vu l'état de mon bras ? J'ai besoin de soin, qu'on me recoude cette plaie et qu'on me la désinfecte. C'est une morsure de Wealer !

— Ne dis pas n'importe quoi, malfrat que tu es. Les Wealers n'existent plus.

Je frappe ma main contre la porte ce qui lui vaut un sursaut, me voilà bien plus près de ses petites prunelles fragiles.

— Je vais sortir d'ici et t'arracher les tripes si lentement que tu les verras sortir de ton ventre et ensuite, je les enfoncerai dans ta bouche jusqu'à ce que tu t'étouffes.

Je crois deviner une esquisse de sa part à la petite ride au coin de son oeil droit.

— Fais bon voyage, me murmure-t-il d'un air presque lugubre.

Lorsqu'il ferme le regard, une violente migraine me pousse à gémir. Je me voûte, pose mes mains sur mes tempes et serre les dents. Mes oreilles se mettent à siffler en continue, ce qui me rendrait totalement sourd tant c'est fort et brutal. Je recule de quelques pas, sans pouvoir desserrer mes mâchoires crispées. J'ai envie de m'arracher les cheveux, de m'enlever le cerveau. Je ne peux même plus parler, alors je me laisse glisser contre le mur sous une meurtrière par laquelle passe un air frais. Je ramène mes jambes contre ma poitrine, cette douleur est lancinante, interminable, une véritable torture, si bien que j'en oublie presque mon bras.

J'entends mon prénom, comme des murmures, des échos de mon passé, je ne sais plus...

Gabriel... Gabriel... Gabriel...





TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Where stories live. Discover now