TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]

18 - Résilience

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Je déambule dans les interminables couloirs du palais, m'arrête près d'une porte fenêtre, là où je sors sur un balcon en pierres beiges. Je pose mes mains sur le rebord sculpté et observe une partie d'Easianor se reconstruire. Tout le monde y met du sien, pour évacuer les gravats, consolider les maisons amochées et déblayer les rues.

Je ne me souviens pas de ce qu'il s'est passé mais à en voir l'état de la ville et le temps que cela prend à reconstruire, je ne doute pas une seule seconde qu'Emilius a fait des ravages.

Je me mordille les lèvres jusqu'à m'arracher les peaux mortes et avoir le goût du sang dans la bouche. Plus je fixe l'horizon et les plaines désertiques d'Easianor, plus je sens mes yeux me brûler comme si j'étais sur le point de pleurer. Mon cœur est lourd, il bat fort contre ma poitrine et mon esprit se perd dans tout un tas de pensées contradictoires et incertaines. Je déteste toutes ces sensations de faiblesses qui grandissent en moi, je déteste ressentir cette humanité plus forte que jamais. Je suis libéré, mais d'un autre côté, encore prisonnier de mes sentiments parfois bien trop puissants pour mon âme fébrile.  Je regarde mes mains, mes doigts tremblent seuls, alors je serre les poings, aussi fort que je le peux, jusqu'à blanchir les jointures de mes phalanges. 

— Gabriel, entends-je dans mon dos. 

J'inspire profondément puis ferme les yeux. Je reconnais la voix de Baralf. Je viens de rejeter Selene et me prendre la tête avec ma soeur, je n'ai plus envie de parler à qui que ce soit. Kira n'a rien voulu savoir, elle me traite de lâche et de traitre. Nous serons au front, les premiers, face à Emilius alors que nous lier tous les uns aux autres seraient une meilleure stratégie. Il faut le prendre par surprise, l'intimider, lui faire comprendre qu'il n'a pas la puissance absolue... Sauf que Kira ne voit que la sanction et même plus l'avenir de son Royaume, aveuglée par sa déception. 

Je ne lui jette aucun regard mais Baralf vient se poster à côté de moi, je vois son ombre, ses grosses mains munies de bagues sur la pierre. 

— Si tu es venu ici pour me faire un discours père fils, je te le dis tout de suite, tu perds ton temps, grommelé-je. 

— Non, rétorque-t-il de sa lourde voix. Je sais à quel point ça ne servirait à rien. Mais je ne comprends pas ce que tu es en train de faire. 

Je plisse les paupières et tourne la tête vers lui, afin de le regarder. Il fixe l'horizon à son tour mais finit par poser ses yeux bleus sur moi. Sa Marque n'est plus aussi rouge, elle a blanchi mais recouvre toujours une partie de son crâne pour remonter sur sa joue, néanmoins, ses cheveux repoussent et commencent à la recouvrir. Je parie qu'il est comme moi à présent, les effets de la magie noire sur la Marque ne sont plus aussi vifs. 

— Je viens de voir Selene, en larmes. 

— Et alors ? pesté-je. 

Un rictus vient déformer ses lèvres fines sous sa barbe fournie.