5 - L'Océan

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Gabriel

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Je tiens le gouvernail, mes yeux fixés sur l'horizon. Des yeux qui deviennent de plus en plus lourds à mesure que les minutes et les heures s'écoulent. Le soleil se couche au loin. Cela doit bien faire trois heures que nous ne sommes plus prisonniers des sombres nuages des Ténèbres. Les rayons du soleil sur la peau m'ont réchauffés mais à mesure que la nuit tombe, je me glace petit à petit. 

Cette sensation de froid omniprésent ne me quitte plus, comme si mon cœur avait givré quand les Ténèbres m'ont pénétrés. 

— Regardes ! s'exclame Aïda émerveillée. 

Je lâche le gouvernail, le vent est calme, les vagues ne sont pas déchainées et les voiles nous guident. De toute façon, je ne suis pas un marin, donc je ne sais pas naviguer. De ce fait, je le laisse voguer, nous verrons bien où nous atterrirons. 

Elle est penchée en avant, son bras emmitouflé dans un morceau de mon pull. Elle s'est confectionnée une écharppe pour que son bras reste immobile et maintenu avec une corde. Le long du bateau et à l'avant de celui-ci, des dauphins nagent, l'ailerons hors de l'eau. Parfois, ils sautent pour nous laisser admirer toute leur beauté. 

— Ils sont tellement beaux ! continue Aïda. 

Ils sont beaux c'est vrai, mais je ne parviens pas à m'extasier comme elle le fait. Les voir ne me procure rien de plus. C'est là tous les effets de la marque du Fer Rouge. Je m'assois à côté d'elle, le dos contre la proue, le gouvernail tourne à droite, puis à gauche. A quoi bon ? Je ne suis pas un navigateur, et je ne sais pas me repérer sur les océans. 

— Tu crois qu'on va mourir ici ? demande Aïda en se rasseyant correctement, son bras en état contre le mien. 

— Non. L'océan mène toujours quelque part. 

— Mais peut-être pas à Eyos ? 

— Peut-être pas.

Je l'entends pousser un profond soupir. 

— Dis-moi qui tu veux retrouver, Gabriel, souffle-t-elle. 

Elle pose sa tête sur mon épaule et moi, je fixe un point devant moi. Je vois l'océan au loin, son horizon incertain et le coucher du soleil, qui bientôt, nous laissera sous les étoiles et la nuit noire. 

— J'ai aidée une Non-Mage dans une quête que je ne comprenais même pas, commencé-je. J'ai tout fait pour l'amener sur ce bateau quand les Ténèbres ont envahi Atya mais... 

Je me pince les lèvres, Aïda demeure silencieuse, contre moi. 

— ... Mais Baralf m'a retrouvé. 

— Baralf... Baralf le Brutal ? 

— Lui-même. 

— Tu étais l'un de ses Criminels ? 

— Oui, c'est ça. Mais je l'ai trahi en aidant cette Non-Mage. 

— Pourquoi l'as-tu aidée ? 

— J'en sais rien, soupiré-je. 

J'ai suivi Fred et Selene dans une histoire dangereuse et que je ne comprenais pas. Je ne sais même pas ce que j'attendais à la fin : la liberté ? Des Stozars ? De la reconnaissance ? Une image blanchie ? Je n'attendais rien. J'avançais, machinalement, je suivais, j'aidais... sans réellement connaître mon but. 

— Baralf t'as empêché de rester avec elle ? 

— Il m'a éjecté du bateau avant qu'il ne parte. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Where stories live. Discover now