17 - Les Wealers

805 119 7
                                    

Gabriel

•••

Transportés dans une calèche presque royale, je reste tout de même les poings liés, assis à côté d'un Mage que j'étais censé tuer et en face d'une Non-Mage que j'étais censé kidnapper. Me voilà donc fugitif car j'ai déserté l'escouade de Baralf, et lâche car je n'ai pas su remplir les contrats qu'on m'avait confié.

Le début du voyage se passe dans le plus grand des silences. Je garde mes mains attachées entre mes jambes, à chaque bosse, mon genou touche celui de Dorius. Je ne l'aime pas. Je n'aime pas son énergie qui ne s'accorde pas avec la mienne et pour cause, quand son genou frotte le mien, une décharge vient piquer ma peau même à travers mon pantalon. Parfois je lui jette des regards en coin, d'autres je croise le regard fatigué de Fred qui commence, peu à peu, à s'endormir, la tête légèrement en avant. Selene, quant à elle, évite de me regarder. J'ai bien compris qu'elle ne m'appréciait pas et c'est réciproque mais il va bien falloir qu'elle finisse par m'accepter.

Dorius s'endort à son tour, la tête appuyée contre la paroi de la calèche, nous voilà plus que deux insomniaques, à écouter le bruit des sabots et sentir chacune des secousses du chemin qu'emprunte le cochet. Je la sens mal cette histoire. Les routes cabossées ne sont que celles des forêts, ce qui signifie un risque d'attaque.

Les cordes sont si serrées que les veines de mes mains ressortent et que ma peau en devient rouge.

— Tu veux bien desserrer mes liens ? soufflé-je en chuchotant.

Selene détourne son regard de la fenêtre pour le poser sur moi.

— Non.

— Je vais perdre mes mains à ce rythme.

— Je m'en fiche. Tu le mérites.

Elle me dit cela d'un ton cinglant et pourtant elle chuchote. Je vois tout son dédain dans son regard. C'est dommage, elle enlaidit son visage pourtant agréable à regarder. Ses yeux verts sont beaux, c'était un signe de beauté très distingué chez nous, du moins pour le peuple parmi lequel je suis né. Je n'en ai que de vagues souvenirs à présent.

— J'ai essayé d'être gentil avec toi, à plusieurs reprises.

— N'essayes plus, ça ne sert à rien.

J'inspire profondément puis expire longuement par la bouche pour qu'elle entende mon agacement. Cette femme est coriace et reste sur ses positions. C'est appréciable. J'aime les femmes avec du caractère. Selene sait ce qu'elle veut et malgré le fait que ce soit une peste qui me tape sur les nerfs, j'admire son courage et sa dévotion. Même si elle me semble quelque peu faible à craquer aussi facilement pour un homme comme Dorius.

— T'es vraiment hargneuse, commenté-je.

— Avec toi, c'est ce qu'il faut.

Elle a raison. J'écrase les gens qui ne savent pas me remettre à ma place.

— Maintenant, on est dans le même bateau toi et moi, plus besoin de me haïr.

— Mon père est mort par ta faute, Gabriel.

— Tu oses dire que Dorius est manipulé et n'est qu'un pion mais moi... je reste le coupable de tous tes troubles ?

Elle s'avance légèrement au bord de son siège pour se rapprocher de moi. Elle me fixe, ne détourne pas le regard, c'est comme un affrontement.

— Dorius n'a pas un cœur de pierre.

Je relève le menton, sans un mot, un léger sourire étire mes lèvres. Je crois que je commence à aimer nos chamailleries. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin