Chapitre 122

75 7 4
                                    

Shouyou ne s’était pas senti tomber la première fois après son saut. Il avait bien eu le souffle un peu court, coupé par l’impact du ballon sur ses avant-bras, et n’avait pas vraiment eu le temps de le reprendre avant de s’élancer, mais rien qui se sortait de l’ordinaire.
Pourtant il avait fini à terre, ses jambes n’avait pas voulu amortir sa retombée.
Surement un contre-coup du point marqué, après tout ils étaient enfin repassés devant au score.

Il avait vu la main tendue de Ryunosuke, il avait entendu ses encouragements.

Il n’avait pas pu la saisir ni lui répondre.

Tout s’était brouillé l’espace d’un instant, son monde avait rebasculé. Il ne s’était pas senti tomber cette deuxième fois.

Il avait chaud, il s’en rendait compte maintenant. A bouger partout, sa transpiration avait imbibé son maillot, celui-ci le collait et lui semblait lourd sur ses épaules. Au prochain temps mort, il ferait en sorte de boire un peu plus et de bien s’éponger. Pour le moment, il restait sur le terrain, Yuu n’allait pas le remplacer puisqu’il était encore à l’avant.

C’était ça. Une fois qu’il serait de nouveau debout le match reprendrait et il pourrait jouer encore un peu.

Alors pourquoi venait-on de le faire asseoir sur le banc ? Pourquoi tout le monde le regardait comme s’il s’était fait mal ? Il allait bien.

Il ne s’était pas ressenti tomber les troisième et quatrième fois où il avait essayé de se relever seul. Il avait à peine entendu la supposition de Tobio. A peine senti le thermomètre.
Comment ça de la fièvre ?

- Mais non je n’ai mal nulle part ! protesta-t-il. Je peux tout à fait… encore bouger… et sauter !

Il s’accrochait aux manches de son professeur. Il fallait qu’il comprenne.

- Je ne suis pas blessé ! Pas blessé, vous entendez !?

Ça lui semblait inconcevable, ridicule, absurde.
Il n’avait aucune égratignure, reçu aucun coup, il n’était pas mal retombé non plus. Mais son cœur se serrait et ses yeux le piquaient un peu plus à chaque nouveau mot de Takeda. Il n’avait pas envie de l’écouter.
Ses oreilles bourdonnaient, et pourtant il les mots ne s’imprimaient que trop bien dans son esprit. La colère et la frustration initiale se muaient lentement en une peine et un désespoir immense. Bien plus violent que lors de leur défaite aux inter-lycées contre Seijo l’année dernière. Bien plus violent que sa défaite contre Kitagawa Daichi lors de son premier tournoi au collège. Bien plus violent que tout ce qu’il pensait avoir connu.
Ce match-ci n’était pas fini, ils n’avaient pas perdu, ils étaient même en tête. Alors pourquoi est-ce qu’il devait quitter le terrain avant la fin ?!
Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ?
C’était injuste. Il ne voulait pas abandonner ses coéquipiers.

- …désolé… J’suis désolé.

C’était un gargouillis parmi les larmes qui ravageaient son visage, entre deux reniflements. Il en voulait à tout le monde et n’importe qui d’être assis sur ce banc. Il s’en voulait de devoir le quitter pour laisser derrière lui le gymnase. Même le soutient des autres joueurs ne put le consoler qu’à moitié, tarissant juste ses yeux pour entendre et voir clairement les derniers mots de Tobio.

- Au jeu de celui qui reste le plus longtemps sur le terrain, c’est encore moi qui gagne.

En temps normal, il lui aurait répondu, riposté quelque chose, rappelé qu’il était lui aussi une fois sorti avec son nez qui coulait de sang. Mais cette fois-ci il resta sa voix, sans émotions.

Ses pleurs avaient été aussi brefs qu’intenses, il se sentait pourtant vidé. Comme s’il avait laissé un bout de lui sur le stratifié, de l’autre côté des doubles portes qui venaient de se refermer.

A peine était-il passé dans le gymnase annexe, pour ne pas rester sujet de tout les courants d’airs des couloirs, qu’il avait vu Hitoka se précipiter vers lui, s’écriant déjà qu’il devait se changer. Kenma avait suivi rapidement ensuite, bien plus tranquille, presque serein. Et Shouyou, bien qu’avec une once de honte à se trouver si mal en point devant lui, ne fut qu’infiniment soulagé de le voir brandir sa tablette. Il n’était pas sûr que son téléphone aurait suffit pour suivre correctement la fin du match, et se refusait le droit de partir et tout lâcher.
Il faisait partie de l’équipe. S’ils avaient commencé ce match ensemble, qu’il n’était plus sur le terrain physiquement, son esprit était encore avec eux, plongé dans l’action entre deux bouffées de chaleur.

Guidés par Makoto, ils avaient appelé un taxi pour les conduire à l’hôpital le plus proche. Bien que simple fièvre, son professeur et son coach lui avait ordonné d’aller consulter un médecin pour éloigner tout autre chose. Il avait obéi et l’avait immédiatement dit au gérant de la supérette. Peu lui importait, tant qu’il pouvait voir le match.
Il senti l’étau de son cœur se relâcher un peu au fil du trajet. Grâce au cadeau de son ami passeur, il pouvait suivre avec la jeune manageuse les actions en temps réel. Et pouvoir parler avec elle, continuer de réfléchir, l’entendre approuver et réenchérir lui faisait un bien fou. Vivre jusqu’au bout, l’intensité des nationaux. C’était palpable pour tous, même Kei semblait ne pas vouloir laisser le terrain derrière lui alors qu’il en sortait en boitant, probablement une crampe. Lui avait évité les siennes avec de brefs étirements en attendant leur moyen de transport.

En moins de dix petites minutes, ils avaient atteint l’accueil de l’établissement de soin, et ça faisait déjà deux minutes qu’il était assis sur l’un des sièges avec la blonde à sa gauche, attendant que son tour vienne. Dans ce cours laps de temps, les scores avaient grimpé, s’étaient rapprochés de la barre fatidique des vingt-cinq point. La question était à qui les atteindrait les premiers. Qui se tiendrait devant avec les deux points d’écart.
Il n’eut que quelques maigres secondes pour voir la réponse s’afficher dans la lumière bleue et l’entendre rugir dans les écouteurs. La caméra fit un gros plan sur le tableau des score, amenant les chiffres à se refléter sans détour dans ses yeux.

Karasuno était à terre, essoufflée, épuisée, vaincue. Ses coéquipiers étaient un peu éparpillés sur le terrain, mais avait tout vécu jusqu’au bout.

Ensemble.

Lui était assis, loin d’eux, ailleurs, sans leurs couleurs. Au milieu d’un hall grouillant et anonyme, parti trop tôt. Seul joueur tout aussi anonyme.

Il senti sa tête tomber sur ses genoux, vidé.

***----------------------------------------------------***

Hello à vous petits aventuriers!!!

Vous pouvez me détester, allez-y. Je sais bien que ce moment n'avait pas besoin de plus de drama mais comment résister? :')
Faire ce chapitre du pdv de Shouyou (le premier du sien d'ailleurs), c'était quelque chose que je voulais depuis le début et j'espère que l'atmosphère est bien passée ^^ Il s'agit d'une des nombreuses scènes qui déchirent le coeur, j'espère ne pas vous avoir trop cassé ^^"
Nous arrivons doucement sur la fin, n'imaginez pas que je vais vous faire mal jusqu’au bout, il y a encore de belles surprises ^^

Sur ce, bon week-end à vous, je crois qu'il y a pénurie de mouchoirs ;)

Déploiement |Haikyuu FF|Where stories live. Discover now