Chapitre 65

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Les quelques minutes où elle avait été seule dans la chambre, dans une douce pénombre seulement dissipée par la lumière des lampadaires et la lampe de bureau qui se reflétait sur le bois du meuble, elle avait réfléchi. Elle avait repris le contrôle de ses pensées alors qu'elle ne savait même pas quand elle en avait perdu le fil.

Elle avait entendu la porte d'entrée claquer lors du départ de Katsura et les frottements des tissus lorsque Koushi s'était tourné vers elle mais ce qui c'était passé avant lui était flou. Il semblait qu'un voile se soit levé sur certains souvenirs mais le brouillard l'avait maintenant envahi et tout son esprit lui était incertain, le court du temps occulté par la dense brume. Elle ne ressentait que son cœur serré et la sècheresse de sa bouche alors que ses yeux étaient peut-être trop humides. Ça faisait si longtemps qu'elle ne s'était pas sentie comme ça. Des années, sept voir peut-être une dizaine, à cette âge où tous les enfants posent des questions.

A moins que ce ne soit il y a quatre ans, lorsqu'elle cherchait son père pour quelque chose et qu'elle avait surpris sa conversation ? Sur le moment elle n'avait pu saisir que quelques bribes, les mots qui lui étaient compréhensibles s'étaient noyés dans le flots de termes juridiques et financiers. Puis elle y avait repensé un peu plus tard, après avoir fait quelques recherches, et c'était peut-être cette fois-là où elle avait été le plus proche de fondre en larmes. Ses frères lui avaient toujours dit qu'elle était dure à la douleur, pleurant rarement pour toutes les gamelles qu'elle s'était prise mais elle ne savait pas s'ils parlaient uniquement de la douleur physique ou l'avaient réuni avec la douleur morale.

Ces peines invisibles qu'un sourire peut masquer alors qu'on a la sensation que son cœur va exploser, comprimé autant qu'il est transpercé de milles aiguilles. Peut-être était-ce les deux, ou peut-être qu'elle n'avait jamais écouté les cris muets qui ne demandaient qu'à sortir d'elle.

Unique présence dans la pièce, ses pensées avaient ricochés contre son crâne comme son souffle sur les murs à la différence qu'elle était entourée d'un doux silence au lieu de d'un écrasant bazard interne. Mais chaque seconde l'avait ramené un peu plus dans la réalité, emmenant avec elles le pesant doute du retour de son hôte. La confiance qu'elle lui vouait n'était plus la question, elle la lui donnait les yeux fermés mais elle ne faisait pas tout. C'étaient ses affaires, celles de sa famille et y mêler une personne étrangère n'allait pas faire bouger les choses, elles étaient closes depuis longtemps. Le résultat le plus probable serait qu'elle lui apporterait des inquiétudes et des angoisses à son sujet, dans la mesure de l'importance qu'il lui portait et qu'elle ne savait pas estimer. Pour lui, il n'y avait rien de positif à l'entendre de nouveau parler pour justifier un comportement, elle lui gâcherait sa soirée et son temps de sommeil alors qu'ils sortaient d'une semaine de cours avec d'intenses entrainements pour lui. Daichi et le coach étaient de moins en moins tendres, les muscles courbaturés de chacun pouvaient en attester.

Et en prenant le problème à l'envers, ne serait-il pas plus perturbé de ne pas savoir ce qui avait causé son mutisme et la montée d'émotion ? Le connaissant, il pourrait bien imaginer des centaines d'hypothèses de moins en moins crédibles et les retourner dans tous les sens à n'en plus dormir, rongé par son anxiété.

Et elle ? Voulait-elle en parler ? Mettre des mots sur le flot qui l'envahissait ? Ça serait une première, même ses frères ou son père ne savait pas ce qu'elle avait entendu et il n'était pas dans sa nature de tout dévoiler sans être au pied du mur. L'était-elle ?

- Sei... C'est bon. Si tu veux parler, je suis là pour t'écouter, juste à côté de toi et je ne te lâcherai pas tant que tu ne seras pas apaisée, entonna une voix chaude à sa gauche.

Elle redressa la tête en relâchant ses sourcils trop froncés par sa réflexion. Quelques gouttes restèrent accrochées à ses cils alors qu'elle ouvrait les paupières, remerciant le gris de ne pas avoir allumé le plafonnier. La présence rassurante qui se tenait près d'elle irradiait dans l'environnement clos de la chambre et se diffusait en elle par le biais de cette grande main sur sa peau.

Déploiement |Haikyuu FF|Where stories live. Discover now