Chapitre 82

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La jeune fille senti son estomac se tordre, comme à chaque fois que le sujet de sa génitrice était évoqué. Par la fatigue, elle laissa échapper de malheureux mots.

- Je ne suis pas comme elle...

- Bien-sûr que si, appuya son père. Tu prends soin de ton entourage, comme elle le faisait avec nous avant.

Elle ne répondit pas tout de suite. Elle ne voulait initialement pas revenir sur son choix de garder ce secret avec elle mais le voir lui mentir effrontément, supporter ce poids seul, se blessant un peu plus à chaque fois, l'insupporta une fois de trop.

Elle s'excusa mentalement en cherchant ses mots pour ne pas blesser l'homme devant elle, le conjoint de celle qu'elle ne pouvait appeler « maman ». Non pas par colère mais simplement parce qu'elle ne l'avait jamais appelé ainsi. Cette femme était sa génitrice oui, mais elles n'avaient aucun lien proche, aucun lien tout court. Rien qui ne justifie l'affection induite par ce mot doux que presque chaque enfant avait prononcé en regardant la personne concernée avec un regard d'amour enfantin et inconditionnel.

- Avant peut-être, reprit-elle. Mais plus maintenant puisqu'elle est partie.

Elle aurait probablement dû choisir un mot plus direct, moins polysémique, mais est-ce qu'une lente réalisation était plus supportable que d'être placé devant le fait accompli ? Pour elle la réponse était toute trouvé depuis le jour où elle avait appris la vérité. Et elle comptait sur ses yeux pour transmettre les derniers éléments. Pas la tristesse du deuil, juste la neutralité du savoir.

Et cela suffit à changer l'expression de faux semblant de son père en quelque chose de plus affligé, résigné.

Il ne poursuivit pas tout de suite, laissant couler deux longues minutes avant de demander d'une voix terne.

- Depuis quand ?

- Je venais de rentrer au collège, il y a quatre ans, avoua-t-elle sobrement.

- Et les garçons ?

- Je ne leur en ai jamais parlé. Ni à Tetsuro.

- Tout ce temps ?

Elle pouvait presque sentir les fissures dans le cœur de son paternel tant son ton avait prit un caractère peiné et désolé.

- Presque... j'en... j'ai craqué une fois, il y a quelques semaines. J'en ai parlé à Suga...

- Pourquoi ? Un gage ?

- Non, non. J'ai rencontré sa mère ce jour-là et les voir si complices j'ai... je ne sais pas pourquoi mais j'ai imaginé que peut-être j'aurais pu vivre quelque chose comme ça si elle n'était pas partie, si elle ne nous avait pas laissé, si elle n'avait pas été...comme ça. Je sais bien que tu es avec nous mais on ne te voit pas souvent alors peut-être qu'on a loupé certaines choses. Je ne sais pas pour les garçons mais parfois ça me manque ce genre de moment. Tu me manques. Je sais que tu travailles beaucoup pour les dettes et qu'on ne manque de rien mais peut-être que justement on manque de quelque chose... et en même temps tu es trop présent, trop surveillant et c'est moi qui manque d'air... pardon mais... je ne sais plus...

Sa voix se brisa sur les derniers mots. Elle n'avait pas voulu et ne voulait toujours pas, elle se pensait plus forte.

Mais à toujours repousser, enfouir, nier, elle n'avait fait qu'affiner encore plus la petite corde qui empêchait son cœur d'imploser en milles fragments. Autant de petits éclats que les reflets de la lumière sur les gouttes qui dévalaient, une à une d'abord, la peau rougie de ses joues, avant de ne plus être qu'une fine rivière. Depuis combien de temps n'avait-elle pas senti leur goût salé effleurer ses lèvres ? Entendu leur son mat alors qu'elles s'écrasaient sur le tissus ? Senti son nez réprimer des reniflements trop bruyants alors que ses cils accrochaient à chaque battement un peu de l'eau qui ne venait pas de la douche ?

Elle qui ne voulait pas faire mal à son père, elle était aussi la personne qui avait cédé entre eux.

Voutée, les yeux à demi-clos alors que ses mains passaient sur ses joues pour essuyer un peu inutilement les sillons humides, se fut la surprise qui la fit se redresser. Submergée par son état, elle n'avait pas entendu le froissement des tissus, la toile du coussin qui se remet en place et les plis des genoux qui s'étirent. Le frottement des chaussons au sol ne l'avait pas atteint non plus et seule l'étreinte de son père lui fit reprendre conscience de son environnement.

- Je suis désolé ma chérie, ça a dû être dur pour toi de garder ça. Tu aurais pu m'en parler avant, c'était lourd tout ça.

- Mais je... je ne voulais pas te faire de mal, hoqueta-t-elle. Tu as assez de... des dettes pour te rappeler de tout ça... Et les garçons... Ichi l'aime beaucoup, je ne pouvais pas...

- Je comprends oui mais tu n'avais pas à porter ça. C'est à moi d'assumer ça pour vous.

- Mais... elle t'a fait tellement de mal... pourquoi ?

C'était quelque chose qu'elle n'avait jamais compris. Elle avait suspecté la honte de ne pas avoir pu garder à ses côtés celle qui l'avait accompagné dans ses premiers pas de la parentalité, mais ça ne lui semblait pas assez. Il était un homme fier, mais il ne se laissait pas marcher sur les pieds non plus et avec les circonstances du départ et tout ce qu'il avait accompli derrière, il n'avait pas à se cacher du chemin parcouru.

- Parce que je ne voulais pas qu'elle vous en fasse aussi et que vous la détestiez. Elle a toujours pris soin de vous, je ne peux pas lui enlever ça. Certes notre situation est compliquée mais je suis seul fautif de ne pas avoir vu les signes venir. Vous n'avez pas à porter mon erreur. Et vous avoir souriants avec moi est la plus belle chose qu'elle ait pu me laisser.

- Pardon papa...

- Tu n'as rien à te reprocher Hatori, tout va bien. Je suis surpris mais tout va bien. Tu vas respirer un coup, d'accord ? Ensuite on avisera.

Il se recula légèrement pour qu'elle puisse hocher la tête.

Il lui fallut plus d'une respiration pour se calmer, elle n'était pas habituée à de telles effusions de son corps. Son père n'était pas retourné dans le fauteuil, prenant place à côté d'elle et gardant le contact avec sa main sur son dos.

Cela lui rappelait vaguement un autre moment, avec une autre personne, un autre lieu, un autre contact, une autre réaction. La situation n'était pas bien plus heureuse mais celui à ses côtés avait ce pouvoir magique que son cœur lui avait donné de chasser les soucis et les angoisses, illuminant son esprit de son éclatant sourire. Elle en vint à espérer un instant qu'il soit là, présent avec elle. Et même si elle se reprit bien vite, sa simple pensée lui permit de tarir ses dernières larmes et retrouver une petite étincelle pour remettre un pied sur le chemin qu'elle avait entamé un peu plus tôt.

- C'est bon, souffla-t-elle la tête tournée vers le plafond.

- Certaine ? s'assura l'homme.

- Oui. Je ne sais plus trop où on en était mais on peut reprendre.

- Maintenant tu es plus détendue, remarqua-t-il avec un léger sourire.

Elle ne s'en était pas rendue compte qu'elle avait cessé de crisper ses doigts sur sa jupe et qu'il l'avait remarqué, mais ne s'en offusqua pas non plus. Tout était définitivement dit, son cœur apaisé et ils reprenaient donc leur conversation bien plus sereinement qu'elle n'avait commencé.

- Es-tu prête à entendre mon avis ?


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Salut ~ Comment allez-vous petits aventuriers?

Les voilà les larmes, le craquage, l'aveu. Un jour il devait bien tomber tout de même :') Et même s'il n'est pas là, Koushi la réconforte sans le savoir ~ Petite bichette a du courage. Mais ce n'est pas qu'elle qui est brisée non plus. Une armoire a glace peut se fissurer aussi ^^ (rajouter du drama au drama, j'adore :'))
Même sur la route je suis (presque) à l'heure, j'ai accompli ma mission!

Bonne journée à vous! J'espère que vous passerez un bon WE et on se voit mercredi ;)

Déploiement |Haikyuu FF|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant