Chapitre 66

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Il ne disait rien, il écoutait. Hatori marqua une seconde pause, tirant légèrement du bout des doigts sur une de ses mèches mèche rebelle pour l'inciter à garder le silence, puis elle reprit.

- Elle ne me manque pas, je n'ai pas de souvenirs d'elle et elle m'est aussi indifférente. Mon opinion est mélangée entre ce qu'on me dit d'elle depuis que je suis toute petite et ce que j'ai malencontreusement su. Pour autant il m'arrive de me demander ce qui aurait pu se passer si elle avait été... différente, si elle s'était véritablement attachée à nous. Est-ce qu'on plaisanterait, est-ce qu'on rirait, est-ce qu'elle m'aurait appris tout ce que je ne sais pas sur les filles, l'école, le monde ? Je ne sais pas et je ne saurais jamais. Mais en voyant la relation que tu as avec ta mère, la question est revenue. Je ne suis pas spécialement triste, mon père et mes frères sont toujours là pour moi, voir trop, mais je suis curieuse, un peu envieuse aussi je pense. Et puisque je n'en n'ai jamais parlé, je n'ai jamais eu de réponse. Je ne veux pas briser l'images que les garçons ont d'elle et mon père a assez des créanciers pour lui rabâcher tout ça. Enfin...

Elle soupira en fermant les yeux, reprenant son souffle après cette énième tirade, et il ne se risqua pas d'amorcer une phrase. Elle n'avait pas fini.

- C'est bizarre de savoir que tout est sorti, je voulais surement en parler depuis longtemps sans risquer de faire du mal à ma famille. C'est tombé sur toi pour le coup, j'en suis désolée mais c'est peut-être aussi simple comme ça. Je sais que je peux te faire confiance pour ne rien dire et que si je t'avais répondu à peine un « rien, c'est fini, je vais bien » tu n'aurais pas été rassuré. C'est gentil de prendre soin des autres Suga-sen mais parfois on ne peut rien faire. J'attends le jour où je pourrais travailler pour apporter mon aide à mon père mais j'ai encore quelques années, je serais patiente, fini-t-elle en passant un dernier coup de serviette sur ses cheveux.

Elle laissa le tissu en place, caressant son crâne et sa nuque au travers.

Lui était muet, les yeux grands ouverts, s'étant agrandis au fur et à mesure qu'elle parlait. Des épis gris partaient dans tous les sens là où la serviette ne reposait pas, lui donnant un air ahuri digne de Koutaro.

Il n'avait pas les mots. Peu importe la version, les deux lui semblaient horribles. Elle avait cru pendant des années que sa mère était morte dans un accident et finalement elle avait appris et déduis qu'elle les avait laissés sans un regard. Le résultat était le même : Hatori avait grandis sans mère, avec un père souvent absent, protégée par ses frères qui croyaient dur comme fer en une version erronée de leur famille monoparentale.

Le malaise qu'il avait ressenti la dernière fois que le sujet avait été abordé était pleinement excusable et évident avec ces connaissances. Qui serait ravi de dire que sa mère est morte et que ça a causé une psychose dans la famille ou qu'elle a abandonné ses propres enfants pour de l'argent ? Et sans le vouloir, par sa propre situation familiale, il avait fait réémerger cette histoire alors qu'il pensait que le caractère avenant de sa génitrice était un avantage. Il savait bien qu'elle n'avait plus sa mère mais sans poser plus de questions, il avait pensé à un divorce et qu'elle n'était peut-être pas bien accueillie dans sa nouvelle belle famille. Qu'il était naïf. Et elle lui faisait confiance, allant jusqu'à lui raconter tout ça et il doutait fortement que même Tetsuro soit au courant, ou du moins pas venant d'elle. Il avait mal joué sur ce coup et il s'en voulait.

- Sei, je suis dé...

- Non, le coupa-t-elle en refrottant son cuit chevelu, tu n'as pas à être désolé. Si c'est pour m'avoir fait penser à ça tu ne savais pas. Si c'est parce que tu as pitié de moi je ne veux pas non plus. C'est vrai que j'ai été chamboulée mais maintenant que j'en ai parlé ça va mieux, vraiment.

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