Partie 102 - Chapitre 22 : Jaune de chrome

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La civilisation était désormais loin derrière elle, du moins elle le supposait. Elle avait allumé le fanal pour ne pas glisser dans un dangereux sommeil.

Abruptement, une brûlure surgit, lui maltraita l'estomac, l'écrasa ; elle avait encore oublié de se nourrir.

Elle mangea une conserve et compta ses réserves. Elle avait largement assez de provisions. Elle en profita pour verser de l'Ignotum dans la chambre de combustion.

Le vent battait fort sur l'enveloppe, il était très frais ; elle s'enserrait dans sa cape constamment plus fermement.

L'endormissement à sa poursuite gagnait du terrain. Elle vida entièrement un contenant d'Ignotum dans l'habitacle, avec l'étrange réflexion que, si la bougie s'éteignait, cette lumière la maintiendrait en activité, ou que, au pire, s'écroulant à son insu, elle se réveillerait à l'étonnant contact sableux du minerai.

Elle gardait la poignée d'altitude dans une main. Le ballon volait à toute allure.

Elle n'avait toujours pas prévu d'arrêt sur sa route ; elle imaginait qu'elle n'avait qu'à attendre la venue des premiers rayons de soleil pour qu'incontestablement ils la retinssent éveillée jusqu'à la prochaine nuit.

Mais, au milieu des ténèbres, la fatigue la submergea. Ses paupières lentement s'abaissèrent.

Elle s'en aperçut et jeta son regard dans l'énergie embrasée de la lanterne. Voilà ce qui la tiendrait debout, même si ses yeux allaient en souffrir. Cela devait fonctionner... ! Il le fallait !


Le brûleur hurla soudainement, il vomit un feu ahurissant. La montgolfière se souleva brutalement.

Le cœur de Maria sursauta, il était prêt à exploser ! Elle s'était amollie, enfoncée dans la brume. Par chance, ses doigts crispés avaient involontairement actionné la machine.

Elle se raffermit, bien droite à son poste. Sur l'arceau, la lampe ne l'avait pas préservée.

Ses paupières demeuraient lourdes. Elles défièrent son autorité et se fermèrent. Elle batailla pour les rouvrir ; elles défendirent leur paresse vigoureusement ! Elle les vainquit brusquement, presque douloureusement. Elle l'avait échappé belle ; de peu, elle tombait engourdie de sommeil.

Elle se ressaisit, se gronda ; une telle erreur était inacceptable, elle pourrait l'empêcher d'atteindre le front... si elle ne la tuait pas directement.


Une fois encore, la puissante gerbe de flammes, le violent bond de l'aéronat. Sa situation était précaire et son corps ensommeillé ; le froid gelait sa ténacité. Elle... Elle avait besoin de se donner des objectifs pour rester vive.

La Couleur InconnueWhere stories live. Discover now