Partie 11 - Chapitre 2 : Gris perle

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Maria lui raconta comment elle avait rencontré cet étrange minerai ; elle songea habilement à négliger les douleurs de la chute et insista plutôt sur la fine clarté et la coloration surprenante.

- ... J'en ai prélevé un petit morceau, toutefois j'en ai davantage en haut, conclut-t-elle finalement en pointant du doigt le plafond.

- C'est fantastique ! s'exclama Sophie, transportée.

- Il ressemblait à un gisement uni, reprit Maria, pourtant quand j'ai tenté d'en retirer un fragment, il s'effritait ; j'ai malgré cela réussi à garder un amas jusqu'ici.

- Tu l'as montré à d'autres personnes ?

- Je viens à peine d'arriver ; je ne me suis même pas changée !

- C'est une invention merveilleuse ! continua Sophie, bondissante.

- C'est le mot ; l'univers nous réserve des secrets insoupçonnés !

- Il faut... Il faut que tu l'annonces à la communauté des chercheurs... à la presse aussi !

On sentait l'excitation dans sa voix.

- Sûrement, répondit Maria calmement. Cependant, pour l'instant, on ignore tout de cet élément.

Elle n'avait aucune raison de ne pas avertir le monde de sa trouvaille, seulement, dans sa situation, il lui paraissait difficile de le prévenir. Elle serait certainement obligée de passer par des instituts scientifiques pour avoir une oreille qui fût, un tant soit peu, attentive. Et encore...

- J'aurai besoin de contenu à exposer.

- On peut toucher... ? Ces pierres, ne sont-elles pas... acides ou dangereuses d'une quelconque manière ? questionna Sophie en approchant la main avec une grande hésitation.

- J'avais des gants lorsque je les ai extraites... ensuite, après... effectivement, j'ai les ai tâtées sans protection.
« J'avoue avoir été imprudente à ce sujet ; j'étais drôlement loin d'imaginer ce genre d'histoire...
« Je n'ai pas ressenti quoi que ce soit d'anormal ; à partir de là, je ne vois pas pourquoi il y aurait un risque...
« Essaye juste de ne pas trop manipuler l'agglomérat ; je veux l'examiner avant qu'il ne soit totalement poussière.

Avec précaution, Sophie saisit entre le pouce et l'index une pincée de sable et la contempla de près.

- Cette substance ne doit se former, voire durablement se conserver dans cette forme, qu'en des circonstances très particulières, supposa Maria alors que Sophie reposait déjà son échantillon.
« Je n'ai rien remarqué d'exceptionnel, sauf... éventuellement un détail : la grotte était assez humide, nonobstant les gouttes ruisselaient sur le filon ; elle ne l'imprégnait pas. Cette étanchéité... serait-ce un indice ?
« Cette roche... j'ai songé à la trace d'un volcan, mais l'homme n'en a pas répertorié dans ces montagnes...
« Il serait intéressant de constater si elle se maintient dans d'autres conditions ou au contraire s'altère ; j'ai peut-être eu la chance d'apercevoir une matière éphémère, sortie de sa gangue lors d'un récent éboulement et qui est condamnée à bientôt disparaître... A moins qu'elle se stabilise à l'air libre...

« Ah ! il aurait fallu réaliser nos tests dans un lieu parfaitement semblable... Quel dommage...

(Elle sourit).
« Qu'en penses-tu ?

- Oui, je suis d'accord, répondit simplement la concierge.

- Espérons maintenant que l'étude nous permettra d'infirmer ou de confirmer quelques-unes de ces hypothèses !

Sur son cahier, Maria associa la nouvelle recherche au numéro quatre-vingt-huit. Elle tremblait de passion, d'enthousiasme : le moment tant attendu où elle allait travailler dessus était venu !

Elles commencèrent par observer l'amas et les particules sous toutes les coutures ; Maria en croquait les traits. Puis elle divisa la pierre en trois petits morceaux.

Avec une excitation non dissimulée, elle fit diverses expériences.

Chauffer ces solides, même à haute température, ne les perturbait pas ; la teinte demeurait absolument identique.

L'eau, les solutions basiques et acides ne dissolvaient pas l'élément qui en émergeait rigoureusement sec. Les liquides avaient glissé sur lui ; elle ne s'était pas trompée dans la cavité.

Maria tenta de calculer la luminosité émise par une unique poussière. Celle-ci était extrêmement faible, à peine perceptible pour l'œil humain plongé dans l'obscurité.

Sable ou agglomérat, le résultat était toujours similaire, en dehors de la lumière produite qui semblait s'additionner pour finalement devenir aisément visible, toutefois en restant douce, légère et paisible.

Sophie l'assistait, sans jamais proposer une idée, malheureusement. Maria notait la totalité de ses expérimentations dans le carnet.

Elle essaya par la suite de décomposer les ondes lumineuses à travers un prisme optique. A genoux, elle prépara le dispositif sur la table, prête à constater ce qui apparaîtrait de l'autre côté du bloc de verre. Elle ne se doutait de rien. Elle déposa juste un grain, innocemment.

Elle s'effondra.

Le monde chavira dans l'inconnu. Ce fut si soudain et violent qu'elle ne comprit pas ce qu'il lui arrivait.

Elle entendit Sophie accourir sur elle en criant...

La Couleur InconnueWhere stories live. Discover now