Partie 60 - Chapitre 14 : Violine

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Chapitre 14 : Violine

Elle s'éveilla ; une pelisse duveteuse, épaisse ensommeillait encore le monde dans une nuit sans lune ni voûte étoilée. Ce léger repos avait éclairci son esprit des fumées de la veille et ses muscles avaient recouvré leur vitalité.

Elle remit ses vêtements ; elle les avait grossièrement jetés au sol avant de s'effondrer sur le lit, exténuée.

Ses pas craquaient sur les lattes du sixième palier ; elle arriva face à l'escalier. Elle l'emprunta dans un trot silencieux, histoire de se dégourdir les jambes un peu.

Elle passa discrètement devant la conciergerie plongée dans les ténèbres ; Sophie était toujours couchée ; cela l'étonna. Elle aurait pourtant parié que son amie aurait été présente pour lui souhaiter bonne chance, à l'encourager et à la materner maladroitement, révélant par conséquent une appréhension qu'elle cachait difficilement. Son absence était-elle intentionnelle ? Maria n'en avait aucune idée ; cependant, c'était certainement mieux ainsi.

Dehors, l'humidité la glaçait ; dans un claquement de tissu, la cape tomba sur ses épaules ; elle l'attacha autour de son cou. La fine pluie avait cessé. Un vent nocturne s'était levé ; il remuait les courts cheveux de Maria comme s'il désirait qu'ils ne fussent pas trop mouillés. Elle ne s'était pas coiffée.


Soudain, un brouillard engloutit l'espace alentour ; elle était descendue sous les agitations de l'air, là où la ville piégeait ses lourds nuages.

Bientôt, les lampadaires se firent davantage fréquents ; ils étaient de vagues balises salutaires dans l'obscurité confuse.

L'éclairage public devint électrique ; cela signifiait qu'elle s'engageait dans les beaux quartiers. Quand les allumeurs de réverbères s'avançaient vers ces grandes rues dégagées, ils savaient qu'ils n'y avaient plus leur place ; leur métier, précaire aux ignorants, était voué à une mort progressive ; lentement mais sûrement, une technologie moins chère et autrement rapide les dévorait.

Elle apparut au petit matin à proximité des jardins du Sénat. Les premiers rayons chaleureux du soleil réchauffèrent l'atmosphère ; la brume se dissipa et dévoila l'immensité des lieux. Un modeste souffle frais caressait les drapeaux que l'annonce de la guerre avait multipliés. Ici, aux côtés d'imposants bâtiments républicains à la grâce remarquable, resplendissait le siège administratif de l'entreprise Rochebrisée. Ses battants étaient déjà ouverts.

Elle entra, confiante ; en face d'elle, le bureau d'accueil. 

La Couleur InconnueNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ