Partie 80 - Chapitre 15 : Orange safran

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Chapitre 15 : Orange safran

Elle jeta sa cape sur le lit ; elle n'en aurait pas besoin pour sonder sa chambre. Sous la literie sommeillait une maigre bourse dont elle avait absolument oublié l'existence. Des morceaux de tissus et de rares objets se cachaient également là, des souvenirs qu'elle n'avait nul intérêt à emmener. Ailleurs, elle reconnut la cassette, désormais vide. Le reste de la fouille fut stérile. Sophie avait rendu depuis longtemps à son ami l'équipement de spéléologie.

Maria n'avait pas de sac où ranger ses affaires et, considérant la misère qu'elle avait récoltée, elle décida que ce n'était pas nécessaire : elle s'en irait les mains libres, avec pour unique bagage ses économies. Ce serait certainement plus commode ainsi.

La cape à bout de bras, elle descendit calmement l'escalier, contempla chaque marche et chaque palier. C'était possiblement la dernière fois qu'elle les foulait.

Elle frappa au rez-de-chaussée :

- Maria ?

- Sophie, je pars sur-le-champ pour les montagnes de l'Est, annonça-t-elle fermement. Puis, au Sud... je pense.
« Je reviendrai, je te l'assure.

- Tu... tu t'en vas ?

Sophie était frêle, déconcertée, elle tremblait au vent glacial qui l'emportait. Cependant elle puisa la force de se ressaisir un instant ; elle ne céderait à l'émotion que lorsque sa camarade l'aurait quittée.

Maria lui glissa entre les doigts ses clés.

- A bientôt.

Sophie n'objecta pas ; sa compagne fit cinq pas, atteignit le battant, et soudain s'arrêta et pivota :

- Quant à la cave, réaménage-la à ton envie...
« Et en ce qui concerne les rats, je crois que, sans moi pour les contrarier, ils vivront heureux et apaisés.
« Au revoir.

Elle s'était envolée. La conciergerie demeura ouverte, muette, effacée.


Elle arriva à la gare ; d'ici l'on voyait distinctement l'épaisse fumée dorénavant parfaitement blanche qui s'élevait toujours du quartier sinistré.

Avec pratiquement l'ensemble de ses économies, elle monta dans le wagon, et celui-ci partit.



Un homme toqua à la porte. Elle n'était pas fermée et, sous les trois petits coups répétés, elle s'entrouvrit lentement en grinçant.

Une dame apparut progressivement dans l'entrebâillement, c'était Sophie. Son visage était affligé ; elle essayait de le masquer derrière un léger sourire accueillant.

L'inconnu était large d'épaule et assez grand :

- C'est dans cet immeuble qu'habite une certaine Maria, une scientifique ?

Il avait la jambe enserrée dans une éclisse et se tenait sur une canne. Sophie comprit qui il était.

- Ou... Oui... balbutia-t-elle.
(Se réveillant réellement).
« Enfin, elle n'est plus là ; elle a pris le train ce matin...
« Mais entrez !

- Ah... ! et moi qui espérais tant la remercier ! s'attrista le manutentionnaire en s'avançant, déçu.
« Il m'a été difficile de savoir qui elle était, de la trouver... et j'ai eu beaucoup de soucis à clopiner jusqu'ici !

- Asseyez-vous un peu, proposa Sophie. Je... Je vous prépare du thé.

- Vous êtes bien bonne.

Il saisit une chaise à proximité. Ses yeux rencontrèrent le tableau. Tout le monde regardait ce tableau. C'était Sophie qui l'avait peint. Il s'installa en le fixant, puis, après un moment, s'en détacha :

- Alors comme ça, elle s'en est retournée sauver d'autres causes perdues ?

La Couleur InconnueWhere stories live. Discover now