Partie 125 - Chapitre 25 : Garance

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A nouveau, un léger silence s'était instauré.

- La confiance est une richesse qui se gagne avec le temps, Madame, répliqua l'officier.

- Comme vous l'avez dit : « qu'avons-nous à perdre » ? si nous échouons, des canons signeront notre défaite.

- Certes...
« Toutefois... nonobstant notre supposé indéfectible soutien, le commandement est têtu et il ne sortira pas de son opinion.

- Sauf si vous refusez de périr ici assassinés, sauf si vous refusez cette fatalité ; c'est en ce point particulier que j'ai besoin de vous. Pas seulement le septième bataillon, mais vous tous, massivement. Si à l'unisson vos lignes entrent en grève, la guerre sera finie.
« Sans les soldats ne demeurent que les cris des généraux.

- Bien... bien... J'ai compris.
« La grève...
« Donc, ce n'est pas qu'à moi de décider.

Il pivota vers ses troupes et demanda rapidement leur avis. La réponse fut unanime. Il revint sur Maria :

- Je ne sais pas si ça va fonctionner... malgré cela, je suis satisfait par notre choix.

Sa voix tremblait ; il contempla ses subordonnés :

- Eventuellement, tantôt nous agoniserons et nos familles vivront dans l'infamie ; probablement, cela n'aura servi à rien et nous serons conspués puis oubliés ; sûrement, nos tombes seront anonymes, à l'écart dans les cimetières ; pourtant... pourtant notre cause est la plus noble et devant la Mort nous la défendrons.

(Ses yeux fixèrent un jeune homme).

« Deuxième classe Bruno, apporte-nous le téléphone. Il nous faut contacter l'état-major.
« Sur ta route, fantassin, préviens les camarades de cette proposition de paix et des conditions, exige qu'elles soient communiquées de bouche à oreille aux quatre coins du front, et appelle-les à rejoindre le mouvement tant qu'elles ne seront pas acceptées.
(A Maria).
« Combien de délai avons-nous ?

- Je l'ignore, annonça-t-elle en pensant que chaque seconde accroissait le risque qu'on vienne les bombarder.

- Alors, dépêche-toi, fantassin !

- Oui, mon commandant !

Le fusilier jeta son arme et se détacha du groupe. Il s'éloigna en direction de sa tranchée, marchant d'un pas lent, et soudain courut, saisi d'une furieuse vitalité.


- « Collusion avec l'ennemi », mon capitaine... ?
« A vrai dire, nous... Non, nous n'avons pas...
« Cependant, l'Ignotum est là, sous notre contrôle, en sécurité...
« Non, elle ne possède aucun plan à notre connaissance...
« L'ordre est de tirer ? s'exclama le maréchal des logis, blême. Pardon, je...
(Se raclant la gorge d'effroi).
« Pouvez-vous répéter... ?
« Oui... parfaitement, j'ai entendu, mon capitaine.

Ses doigts tremblants laissèrent glisser le combiné. Son regard, atterré, erra dans la salle. Il soupira, s'épongea.

Il émergea de la casemate, vacilla à la vue de l'acier gris de l'obusier.

- Quelles sont les instructions, mon maréchal ? le brusqua-t-on quand il arriva à sa pièce d'artillerie.

La Couleur InconnueWhere stories live. Discover now