Partie 5 - Chapitre 0 : Noir d'Aniline

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La paroi, en arrivant dans cette chambre, était pratiquement à la verticale. Dans ses hauteurs, le boyau semblait s'incliner progressivement en une pente ardue, impraticable. Des gouttelettes d'eau s'en déversaient, tantôt noires, tantôt étincelantes sous l'éclairage sommaire.

De là aussi pendait le fil d'Ariane ; son extrémité, une bague en plomb, avait atterri avec la majorité de la corde sur une maigre avancée rocheuse. Durant la chute, elle s'était détachée de la ceinture en cuir ; Maria ne l'avait pas noté. Sa stabilité paraissait précaire.

Juste en dessous brillaient les minuscules pupilles réfugiées dans une anfractuosité. Désormais, elles examinaient d'un air étonné Maria ; elles s'étaient finalement accoutumées à la nouvelle luminosité.

- C'est bien toi que j'ai rencontré avant, n'est-ce pas ?

Elle ne discernait nulle dissemblance entre ce spécimen et la bête de ses souvenirs, même si elle n'avait, en dehors de cette dernière, absolument aucun référent.

- Il doit pourtant y avoir d'autres membres de ton espèce...

Il répondit par un étrange son voilé, presqu'une plainte.

Maria réfléchit ; à ses pieds, elle remarqua des pierres légères. Elle en lança une, dans l'idée de faire basculer le plomb avec suffisamment de chance.

Claquement de dents, le projectile avait manqué de peu l'animal ; il était furieux ! Ce ne serait pas facile.

Le caillou roula jusqu'à ses bottes ; elle le récupéra. Le second jet fut trop oblique et vint mourir lourdement sur la saillie sans rien y perturber.

Subitement, un saut gracile courut le long du mur, se précipita sur l'anneau et le déséquilibra d'un coup de patte. La bague tomba, emportant avec elle le matériel prisonnier, tandis que, dans un éclat perçant, le secoureur apeuré fuyait en escaladant.

L'équipement s'abattit grossièrement devant Maria, forma un monticule. Pleine de gratitude, elle remercia son bienfaiteur ; grâce à lui, elle pouvait sortir.


Elle éteignit le feu, retira ses gants. Il fallut un court moment à ses iris pour se dilater.

Après avoir dévoré des yeux une ultime fois le mystère de la cavité, elle agrippa la corde. La si faible clarté disparut dès qu'elle s'engouffra dans la crevasse. Alors, à tâtons, allumant parfois le briquet lors de rares arrêts, elle se hissait à la force des bras, s'aidait de ses chaussures de la paroi.

Soudain, ses jambes dérapèrent, elle glissa, lâcha prise ; tout était tellement détrempé. Elle rattrapa immédiatement le fil d'Ariane, le serra avec l'énergie du désespoir ; la brûlure était vive, mais elle était sauve.

Dans le chuchotement de la flamme naissante, elle regarda au-dessus d'elle ; le passage s'inclinait dans quelques coudées. Bientôt, elle rejoindrait la chambre à la coupole, s'y reposerait un instant, étudiée par deux rétines attentives ; puis elle quitterait la grotte et trouverait à sa grande surprise la lumière de la nuit éclairant au loin, à travers les nombreux sapins, le petit village de basse montagne où elle prendrait le train.

La Couleur InconnueWhere stories live. Discover now