Partie 82 - Chapitre 17 : Bistre

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Chapitre 17 : Bistre

Au sol, la pierre était raclée, polie, rendue glissante par les chaussures des hommes, et perforée, brisée, pulvérisée là où les fers des bêtes attelées l'avaient heurtée. Devant Maria, des poutres de soutènement à intervalles rapprochés empêchaient la montagne de s'effondrer ; fréquemment, des murs entiers étaient même solidement doublés. Rares étaient les mines si sûres et si bien éclairées. Les rails, enfoncés par le poids des chargements, étaient accablés, distordus, fendus par la cruauté de leur tâche.

Elle s'aventura davantage profondément.


Elle comprit bientôt que la salle à la coupole n'était qu'un vague souvenir ; la pente artificielle, qui s'adoucissait désormais, l'entraînait apparemment en dessous... ou sinon tout avait été dissimulé derrière des remblais. La crevasse et la cavité, elles aussi, demeuraient introuvables.

Les conduits avaient été creusés par des mains humaines. Pas un grain d'Ignotum ne brillait.

Dorénavant, l'humidité suintait ; les parois luisaient aux lanternes suspendues à des pièces de bois de plus en plus simples et espacées.

Elle était seule ; privée de l'écho des coups de pioches et des plaintes étouffées de la roche, elle aurait pu croire le lieu désert.

Si elle était ici pour essayer de détecter un indice sur le devenir du petit animal, ce n'était pas son intention exclusive ; elle avait un plan très important à tenter. En tant que travailleurs de l'unique site d'extraction d'Ignotum, les mineurs avaient un pouvoir en puissance considérable. Elle désirait quêter leur soutien pour inscrire un nouveau futur à l'Ignotum. Toutefois, l'omniprésence des soldats à l'extérieur révélait le coup d'avance des autorités et de Rochebrisée ; son scénario était probablement compromis.

Maintenant, l'éloignement entre les charpentes était si grand qu'elle était parfois plongée dans le noir. Elle alluma sa lampe à l'aide d'une murale.

Elle se demanda pourquoi l'entrée de la caverne était si remarquablement renforcée alors que ce n'était rapidement guère le cas. Possiblement que la raison s'élucidait auprès de certains journalistes préoccupés par les questions de sécurité, mais pas au point de pénétrer les bas-fonds de la grotte sans permission.


Elle entendit quelque chose ; à ses pieds, le rail vibrait. Cette sonorité la perturbait ; elle était aiguë, stridente, heurtée ; elle semblait provenir d'un autre monde, ténébreux et fantomatique. Son cœur s'emballait dans la dissonance, épousait cette arythmie. Elle se sentit mal à l'aise. Elle savait pourtant que ce n'était qu'un wagon dont les roues frottaient d'autant plus sur les imperfections de l'acier qu'il débordait de minerai.

Un clapotis sourd vint s'y ajouter, vraisemblablement la lointaine résonance des sabots d'un cheval de trait.

Les bruits croissaient ; cependant, dans ces pauvres cercles de lumière égarés au milieu d'obscurs abîmes, elle ne constatait rien. Les distances étaient à présent si étranges et élastiques...

- Qu'est-ce que vous faites là ?

La Couleur InconnueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant