Partie 85 - Chapitre 17 : Bistre

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Sa lanterne dessinait des ombres mouvantes le long des traverses ; elle avait longtemps eu de la fascination pour ces apparitions changeantes, mystérieuses et fabuleuses qui n'étaient finalement que les imperfections naturelles de la roche. Aujourd'hui, elle s'enfonçait sans voir ces beautés fuyantes ; elle repensait aux ultimes paroles du mineur exténué.

Brusquement, une forme approximative émergea près du rail droit ; si elle fluctuait au gré de l'éclairage autant que le reste du décor, Maria eut l'intuition qu'elle n'avait pas toujours été à cet endroit. L'aspect se précisait à mesure qu'elle progressait.

Il y avait d'abord une masse énigmatique de la largeur d'une bonne pierre de muret ; puis une autre de la taille d'un gros galet, à une courte distance, en direction de la paroi ; enfin une dernière, sur le même axe, infime et plus éloignée de la voie.

Elle ne comprit pas ; elle continua d'avancer.

La surface du premier volume n'était pas plane ; dessus, il y avait... de l'herbe ?

Elle accéléra.

Son sang se glaça instantanément.

Ce n'était pas de l'herbe, mais un pelage, un pelage blanc.

Le petit animal ! gémit-elle intérieurement.

Elle courut.

La bête gisait sur le flanc, le ventre ensanglanté. Elle le reconnut immédiatement, c'était lui, l'unique petit animal. Il était gravement blessé, il avait été écrasé par un wagon d'Ignotum ; des morceaux de chair étaient répandus autour de lui. Il était sur le point de succomber.

Elle ne savait pas comment réagir !

C'était...

Elle céda à l'émotion.

De ses minuscules yeux, il semblait pleurer. Son corps était parcouru de frisson, il tremblait.

Il se meurt, il a froid, il a peur !

Maria analysa les alentours, comme pour trouver une aide au désespoir. Elle ne rencontra que le silence.

Elle fut frappée de colère et lança de toutes ses forces sa lampe dans la montagne ; le soleil se brisa et ils furent ensevelis dans le linceul du néant. Il ne demeurait à l'horizon que la triste lueur des lanternes murales. Un rythme lent bruissait, à chaque respiration, à chaque effort pour résister à la mort. Au cœur de ses sentiments, elle sut ce qu'elle pouvait essayer.

Dans les ténèbres, elle enserra doucement la frêle créature entre ses bras. Les poils collants, ruisselants frottèrent âprement la peau de ses mains.

Elle le souleva ; il ne se plaignit pas.

Il grelottait violemment ; l'adieu à la vie n'était pas loin. Elle jeta sa cape trempée en arrière et blottit le petit animal contre la chaleur de sa poitrine.

Elle rebroussa chemin ; elle en avait assez vu, elle avait tout vu. Nul espoir ne résidait ici, dans cette caverne martyre qu'aucun vent ne pénétrait ; il n'y avait que la noirceur et l'agonie.

La Couleur InconnueWhere stories live. Discover now