Partie 44 - Chapitre 10 : Malachite

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Un pan de mur se tordit et s'effondra dans un violent bruit d'acier plié ; une vague de feu vorace jaillit dangereusement de cette large ouverture, portant avec elle une pluie de grains d'Ignotum assourdissants ; des sapeurs-pompiers tombèrent effrayés dans leur retraite précipitée.

Il y eut une immense clameur dans la foule ; Maria, le dos courbé, en émergea, poussée dans son élan par la populace. Elle se retrouva à mi-chemin entre l'attroupement et le gendarme qu'elle avait précédemment rencontré. Ce dernier, délaissant le spectacle du brasier, se retourna pour l'observer.

Il fut pétrifié : ses yeux s'écarquillèrent, sa mâchoire inférieure quitta la supérieure, une expression d'ahurissement confondit son visage et dénua son corps de toute ardeur, jusqu'à ses bras, pendants sans vigueur dans le vide.

Sous le souffle furieux qui élevait les brandons et colorait le ciel d'une nuit obscure, devant le vacarme et la masse sombre, Maria se tenait là, debout, immobile. Dans son poing gauche, un morceau de tissu flottait, le bas déchiré de sa robe ; dans le droit, elle serrait une touffe de cheveux, son chignon, ainsi qu'un couteau emprunté dans la confusion.

Par-dessus le cuir de ses lunettes, ses courts cheveux libres et en bataille s'agitaient parmi les rougeurs incandescentes. Sa tête était légèrement penchée en avant ; à travers les verres de protection, un regard déterminé d'une noirceur simulée dans le but d'impressionner fixait le militaire.

Il se sentit mal à l'aise, des bouffées de chaleur surgissaient de son être et de la sueur suintait de sa peau, luisait sur sa face. Il était comme dominé par une force inconnue.

Elle avait un étrange sourire, un rictus qui cachait l'éreintement consécutif de son effort soudain et qui, à chaque respiration revigorante, accentuait, en elle et pour lui, la puissance de sa volonté.

Son habit hâtivement et grossièrement découpé en dessous de ses genoux dansait énergiquement dans les tourbillons de l'air. Il y avait dans ces saccades de l'étoffe portée par le vent quelques élégances qui lui rajoutaient de la prestance. Elle semblait être une dame d'un autre temps, ou d'un autre univers.

Pendant une seconde, un embrasement d'Ignotum dans la halle illumina la moitié de son torse et de sa figure.

- Ma...Madame ?

D'un geste décidé, elle lâcha simultanément de ses mains les objets. Ils heurtèrent le sol en différentes sonorités.

Puis, elle s'avança calmement en direction de la fournaise.

Le gendarme, encore dérouté par l'effet de surprise, contempla cette femme passer à côté de lui, sans réagir.

Tout à coup, il cria ; il s'était ressaisi, Maria l'avait anticipé : elle avait commencé à courir et, avant qu'il n'eût pu débuter sa poursuite, profitant de sa nouvelle mobilité, elle l'avait déjà distancé.

L'instant suivant... elle bondit vers l'incendie.

L'agent, à peine retourné, la vit disparaître dans les flammes ; il en garda une attitude abasourdie et, d'une voix dépassée par les événements, souffla :

- Mais... que fait-elle ?

La Couleur InconnueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant