Chapitre 20b:Yolanda et Evgenia.

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Elles naquirent le 26 juillet 1941.Dans un train en lattes rouges qui roulait depuis des semaines et des semaines.Ce matin là,encore dans la lumière des aubes sibériennes,on entendit des gémissements de douleurs venant d'Ama,qui avait un ventre énorme.Elle essaya de se lever,de se frayer un chemin mais chaque pas était interrompu par une douleur suraigües qui attaquait à intervalles réguliers.Les femmes,moi y compris,nourrissaient une grande inquiétude en la voyant se tordre de douleur comme ça.L'enfant ne pouvait quand même pas naître à des milliers de km de sa famille,de son pays,dans une boîte en bois?

-Qu'est ce qui vous arrive?demanda Madame Grimas qui ne savait pas quelle attitude adopter.

-Ama,venez avec moi.Venez,venez.

-Qu'est ce qui m'arrive.

-Tu es en train d'accoucher

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La jeune femme répliqua avec violence que c'était impossible,qu'il fallait attendre que son mari soit là,que l'enfant ne pouvait pas naître là,mais ma mère lui suppliait de s'allonger sur la plus large des planches.C'est donc ma mère qui a fait naître cet enfant.L'enfant de cette femme qu'elle n'aurait jamais connu autrement.

Ama se leva au bout d'un moment,visiblement soulagée de toutes douleurs.Elle fit quelques pas en déclarant qu'elle sentait plus rien du tout.J'étais aussi soulagée qu'elle.Comment aurait-on pu sinon laisser une femme donner la vie dans un cercueil sur roue,sans lumière,et sans aération?Alors même qu'elle avait passé les deux derniers jours sans aucune nourriture,au milieu de 50 personnes.

Malgré nos appels à l'aide incessants,c'est ce qu'elle dut faire.D'un commun accord,nous avions tous tout notre soutien à cette femme,même si le plus gros du travail revenait à ma mère.

Elles restaient toutes les deux sur leur planche,quand soudain...

-Je....Je...oh!

Je perds les eaux!

De mon côté,je m'approchais le plus possible dans le but de voir ma mère à l'oeuvre.Comme pour l'encourager.J'étais comme ça.Mes parents affirmaient pourtant que j'étais une fille douce et tendre.

Impuissante,sans aucun système médical,effrayée,Ama criait.

-Lana,si certains ne regardent pas c'est qu'il y a une bonne raison,me souffla Laura en me retournant.

Si Lavra avait été si troublée face à cet accouchement,peut-être était-ce parce qu'elle savait ce qui l'attendait.

-Un petit effort,ma petite!Vous y êtes presque,mon enfant!

-Et si ça ne servait à rien?murmura une petite voix.Si l'enfant était mort...

-Eh bien,elle aurait fait tout ça pour rien,fit la voix grinçante d'un certain futur candidat à l'émigration en Palestine.

Si on me laissait le choix entre rester en Sibérie avec les miens et aller vivre avec lui dans son ancienne maison,mon choix serait vite vu.De toute façon,comment aurais-je pu abandonner mes parents?Ce serait un acte aux conséquences lourdes,un acte mauvais,ce serait la pire des choses.

Cela faisait plus de quatre heures qu'on attendait l'enfant.Mais où était ce petit être qu'Ama attendait.De plus,on ne connaissait toujours rien sur Ama.Qui était elle?Qu'avait-elle fait pour être ici?

Quand soudain,nous fûmes surpris par un hurlement déchirant qui nous fit détourner le regard.Ma mère était la seule à s'occuper de cet accouchement et elle avait pu le mener à bien.On entendait d'émouvants vagissements féminins,et cette voix:

-C'est une fille!

Grimas voulut la toucher,mais officiellement elle n'avait aucun droit sur elle et ça n'allait pas changer maintenant.Je ne voyais pas ce qui pourrait arriver de pire,c'était juste une nourrice.

-Un autre!

Je m'étais trompée,car déjà Grimas tenait l'aînée dans ses bras,un nourrisson encore recouvert de sang maternel.Sa mère continuait de souffrir,ces cris refletant toute la souffrance physique qu'il y avait.

Nous étions en train de la perdre.La mère et la fille s'égosillaient,je sentais Lasse toujours aussi remonté contre Markas,ce que je concevais mais ce serait vraiment petit bourgeois et ridicule de vouloir une guerre ouverte dans notre situation.

Enfin,ma mère créa la surprise en annonçant après un craquement mou:

-Deux soeurs!Deux soeurs ma chérie!Félicitations,tu es vraiment courageuse!

-Toutes les mères se battent de la sorte pour donner la vie.Bien plus que tous ces hommes sur tous les champs de bataille du monde.

Et c'est à ce moment là que l'on vit à quel point la mère tenait à ses enfants.Elle reconnut l'aînée de la cadette,et appela la première Yolanda,la deuxième Evgenia.Elle ne voulait pas perdre de temps,mourir sans avoir vu ses enfants serait la pire des choses pour une mère.Vous rendez vous compte de ce qui se passait?

Nous passâmes la nuit à craindre le pire pour elle.Il pourrait sembler égoïste de la maintenir en vie,mais il fallait que les enfants tètent.Sans leur mère,les enfants ne vivraient plus.

Vous savez quel est la première chose que les jumelles ont faite?Elles se sont serrées la main.Ama continuait cependant à crier de douleur,sommant de répondre à dieu,à son mari.

Dans un souffle saccadé elle dit:

-Dievs, répond moi.

Ne serait-ce qu'un peu d'eau ou d'air lui auraient fait un peu de bien!Ne l'aurais pas obligée à les confier à leur nourrice!Bien sûr!

Au petit matin,les soviétiques entrèrent dans notre wagon.Tout le monde semblait soulagé à ce que l'on vienne sauver Ama,nouvelle maman.Mais ce n'était pas leur intention.

-Je peux savoir qui est responsable de tout ce bruit,là?

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Where stories live. Discover now