Chapitre 51B:27 décembre 1942.

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La nuit était glacée et le ciel transparent.Dans cet eau si froide se reflétait une aurore boréale violette et bleue canard,qui m'évoquait une nébuleuse accouchant de toutes les étoiles qui brillaient dans le ciel et sur l'eau.Peut-être que nous étions bel et bien au bout du monde et que la terre était un espace fini et non circulaire,un serpent qui se mord la queue.Peut-être que quand ma mère sur sa barque funéraire aura disparu à l'horizon,elle aura rejoint sa plus jeune fille dans le cimetière des étoiles.

Maman est morte ce matin.La veille,le 26,elle posait des questions angoissantes,comme son nom,son âge,ce que devenait Gaëll.Elle se plaignait d'avoir très chaud,puis se plaignait d'avoir très froid.Ma mère,posée dans son éternel manteau noir à gros boutons contre le sol de neige.Maman,sale de ne pas s'être lavée et dure de ne manger qu'en désespoir de cause,scrutant le ciel en vain en demandant pourquoi elle avait perdu son mari et sa fille de 8 ans.Ilentha,qui éclatait en sanglot,qui était gelée,qui espérait partir non pas sous Terre mais au ciel,qui sent la froidure de la mort,dont la peau n'était plus pigmentée que du même blanc que le sol.

Nous étions trop fatiguées pour la veiller,nous nous étions endormies à côté d'elle.Lavra s'est levée avant moi.Elle n'était pas la première à s'être renseignée sur l'état de Maman.J'allais lui parler,lui dire de se réveiller.Mais non.Je n'ai même pas eu l'occasion de me rapprocher d'elle.

Sessimis eut une façon très habile de me montrer que bientôt il ne resterait plus rien d'elle.D'une voix neutre et polie,elle se contenta d'apporter à mon regard furieusement interrogateur une réponse lapidaire derrière une courtoisie elle-même endeuillée:

-Je n'ai rien dans les mains.

Ses mains,elles étaient posées autour de la poitrine à vif d'Ilentha.

-Pater Noster...

La hutte était pleine de mourants,et nous ne pouvions pas les maintenir en vie.Une fois que j'avais échouée il n'y avait aucun retour possible.Et c'est cette fatalité qui l'a tuée.

C'était la mort,la vraie.Lavra et moi étions orphelines.

-Douce Ilentha...

-Mama...

Lavra était adulte,nous ne serons pas séparées.J'étais trop âgée pour me retrouver dans un orphelinat,les orphelinats soviétiques,ça ne doit pas être gai.Même si je risque d'être,en plus de tout ça,oubliée par la famille,comme nous l'étions tous actuellement par les nations alliées.

-Pourquoi ce sont toujours ceux qui font les plus grands sacrifices qui en meurent?ai-je demandé,sur les genoux,à Lavra.

Lavra passait la plupart de ses après-midi à voir Nikolaï.Et comme pour nous signifier que cet après-midi était un après-midi comme les autres,si tant est qu'on voyait encore passer le temps,elle est sortie de la hutte pour le voir.Elle courait,aveugle,dans la neige,pour pleurer dans ses bras.Et je l'ai suivie,laissant ma mère aux bons soins de ce qui la prépareront au chemin vers l'au - delà dans un dernier rituel païen.Je l'ai suivie,et après avoir glissée sur une congère,j'ai vu qu'elle avait immédiatement fait part de cette information à Nikolaï.Elle était dans ses bras,et il semblait super fier d'elle.Lui n'avait pas à être fier de lui.Il profite de l'amour qu'une pauvre femme lui porte et il se tait;il avait réellement le statut de dieu.Celui qui est très haut dans l'estime des pauvres et qui se tait en se gargarisant de son pouvoir.Ce n'était pas de l'amour.C'était une foi irrationnelle.J'espérais désormais que Lavra perdrait la sienne comme elle avait perdu celle qu'elle avait en Dieu.

Maman.Gaëll.L'une avait 42 ans,l'autre 8.L'une était ma mère,l'autre était ma soeur.Ma soeur qui demandait à mon père quand est-ce qu'elle allait mourir.Mon père qui lui répondait que ce serait le plus beau jour de sa vie.Je me suis couchée dans la neige en pensant à elles.Je ne bougeais plus.Mais pourquoi?Elle n'allait jamais retourner au pays.Elle qui avait parmi nous le plus d'espoir,il était infondé.Et elle qui avait le plus besoin de survivre,elle n'aura pas passé la première année ici.

Bientôt ça sera mon tour de mourir.De me mettre au lit une dernière fois.Rien ne servait de me tuer à mon tour.Il me restait des choses à espérer.

Comme par exemple,survivre jusqu'à ma libération.Dis-toi,Lana,qu'il n'est pas égoïste de vouloir rentrer avec ta soeur de Sibérie,même si vos parents et votre petite soeur  sont morts.Dis-toi que c'est ta seule chance de faire résonner en écho le champ de toutes ces plaines.Dis-toi que nous reverrons Zita même si nous ne reverrons plus Joan.Et dis-toi que tu reverras Lasse et qu'il reverra sa Suède lui aussi.

La question ne se posait même pas pour moi.Je ne me la suis posée que par culpabilité.La victoire d'un letton sur la mort,d'un homme ou d'une femme,d'une fille ou d'un garçon qui n'aura pas voulu être brisé comtera pour la Lettonie,non pour l'humanité entière.Mais dans cete humanité,maman ne sera plus là.Enfin si,elle sera là,mais à travers nous.Alors je me relève.

-Lavra?Il faut qu'on aille dire au revoir à maman.

-Lana...n'oublie pas que je suis désolée,a fait le petit ami.

-Merci(tu m'avances beaucoup).

Le soir le ciel s'est éclairci.Pas parce que le monde allait mieux sans elle.parce que les nuages s'espaçaient pour laisser entrer cette invitée de marque.

-Vous allez encore jeter vos déchets à la mer?Sincèrement ils n'en valent pas la peine.

Il n'en valait pas la peine non plus ce déchet.Il n'y avait plus de fleurs à offrir pour maman.Que des bijoux et des tissus si précieux qu'elle avait refusé de les vendre et qui allaient l'accompagner.Et je me suis mise à chanter,pendant qu'elle avançait,qu'elle s'éloignait de nous.J'ai vu Lavra reculer.Il était là.Il faisait signe de ne pas tirer.D'une certaine manière,il m'avait sauvée.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant