Chapitre 47B:Ce que je peux oser appeler enfer.

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Novembre arriva.Lavra eut 19 ans.

-Je lui demanderais de venir me voir dans ma iourta,si il m'aime il le fera.

-Tu t'es mise au chant toi maintenant?lui ai-je demandée,sarcastique.Et si il t'aime,il doit y penser tout seul.Sinon,ça n'a aucune valeur.

-Il ne se comporterait pas avec une déportée comme il le fait avec moi,sinon ça ne compterait pas.

Je ne m'en fais pas pour Elena,c'est un autre type d'amour,cette femme a l'âge d'être sa mère.

Elena est malade.

Maman,Gaëll et Viktor aussi.Maman était trop faible pour sourire.Trop faible pour élargir sa bouche quand elle entendait le nom de son mari.Mais quand sa fille aînée eut 19 ans,ce fut un moment particulièrement désarment.Elle se mit à sourire,une beauté poignante par sa fragilité fanée et dégonflée,mais l'attitude d'une femme violée se fit ressentir dans les traits de ma mère.Elle semblait avoir régressée.Je fus la seule à entendre une faible voix,la voix d'une petite fille de huit ans,sortir de ses lèvres gercées.Elle semblait encore plus petite et fragile que sa fille cadette qui conservait une malice pimpante,comme une grand-mère branchée qui tente de cacher à sa famille son cancer en phase terminale.Quant à Nikolaï,il n'osa pas le fêter à sa belle déportée.

Je ne connaissais pas encore toutes les musiques traditionnelles de mon pays,mais curieusement je n'en ait jamais entendu autant que loin d'un pays que je quittais que très rarement.Je voulais chanter en suédois en mémoire de Lasse,chanter en breton en mémoire d'Ouranis et de Gaëll.

En avançant un peu dans le noir complet des iourtes,à la lumière des lampes de poches des gardes,je vis le père de Viktor scruter le ciel.

-C'est lui qui va devoir implorer notre pardon,a déclaré la mère en passant devant son mari.

-Ce n'est pas au type d'en haut que j'adresse.Il y a une tempête de neige qui se prépare.Et on va devoir compter uniquement sur nos abris.

Suivirent les pires semaines de ma vie.Mon malheur est allé crescendo jusqu'à la fin de l'année.Lavra avait l'impression que tout le camp connaissait à présent sa véritable nature.La tempête de neige est arrivée à la fin du mois,après qu'une lituanienne qui a négocié des rations de pains à l'avance.Elle revint avec un bleu  à l'oeil,et nous répéta que pas de travail pas de pain,pas de bras pas de chocolat.J'allais crever de faim entourée de milliers de personnes dans un mètre cube de neige.

-Garde tes excuses,Rimas,lui a dit Lavra en posant ses mains sur ses épaules.Nous savions comment ça finirait.

Elle prit la main de la jeune femme,eut un sourire amère et lui proposa son aide pour appliquer de la neige propre sur son oeil tuméfié,lui expliquant à quel point ce fut une erreur d'y être allée.

Avant que Lavra ne retrouve Nikolaï pour lui annoncer qu'elle l'avait pardonné d'avoir oublié son anniversaire(mais à quoi pense-t-elle cette idiote?Elle se croit en vacances?),Elena est entrée au milieu de la tempête.

-Oh mais tiens donc qui voilà!avait fait le lituanien qui était avec nous au camp,chantonnant presque parce qu'il s'inquiétait pour elle.Il avait l'air heureux de les voir,et elles,avaient l'air malheureuses.Profondément meurtries au plus profond de leur âme.

J'étais en train de regarder les jumelles,à la croissance déréglée par la malnutrition et pourtant toujours en vie,chantant tout bas des berceuses issues de la nation de leurs parents,et leur répétant mentalement "Vous allez passer votre vie ici et  vous ne reviendrez jamais en Lettonie".

-Tu n'as rien à te faire pardonner,Elena...ai-je entendue murmurer ma mère à cette autre mère de famille.

-Evidemment qu'elle n'a rien à se faire pardonner!hurla sa fille.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora