Chapitre 51A:Jarzebina Czerwona.

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Il s'est mis à neiger ce matin là alors qu'on était seulement en septembre.La neige était laide et grise,mais cela restait de la neige.Je me suis retournée,nous étions allongés sur le sol et un brouillard épais recouvrait ce flan de la montagne,on y voyait pas à cent mètres,et je voulais savoir comment allait le goral.J'ai tâtonné vers celui qui se remettait de sa cuite passée et cherchait à prononcer des mots cohérents,qui cherchait à comprendre le pourquoi de la neige et le pourquoi de notre geste qui n'était sans doute pas gratuit.

-Monsieur,est-ce que ça va?

Mes mots avaient conservé une certaine candeur;mais lui ne semblait plus innocent du temps.

-Bohémienne,eh?

-Vous allez savoir rentrer chez vous?Vous aviez l'air bien mal en point hier.

Il n'avait aucun désir de s'entendre avec moi.Il s'est collé une pipe entre les canines et je l'ai rattrapé,pas dégonflée.

-Je pourrais vous aider à retrouver vos moutons!

-Ils sont en bas,moi je peux les voir.

-Mais nous vous avons rendu service!Vous tourniez sur vous même,les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves sans notre intervention!Et n'oubliez pas que nous sommes en guerre;nous avons tout perdu et nous avons besoin de notre aide.

-Quelle outrecuidance!Vous êtes juste une vagabonde,et vous comparez votre sort à celui d'un prisonnier de guerre?

Il avait un vocabulaire soutenu,mais clairement l'accent d'un montagnard polonais.A moins que ce soit un nazi fort en imitation,ce personnage était vraiment particulier.Il y avait vraiment chez lui quelque chose de trouble et on ne pouvait compter sur lui.

Mais ce qu'il y avait de plus important,c'était de comprendre tous ces évènements.La neige n'était pas forcément liée à tout ces évènements glacés de ces dernières semaines,la preuve,le goral s'en fout.J'ai réveillé les autres qui étaient déjà tirés de leur sommeil par le froid mais qui se recroquevillaient pour dormir encore.

-On va descendre en dessous des nuages,il pleut dans la vallée.On va repartir.

-Sara?a fait Félix.J'ai bien réfléchi,après la guerre je ne veux plus retourner à Varsovie.A aucun prix.Même si pour cela on va devoir se retrouver dans un orphelinat.

Il articulait durement tous ces mots.C'est à ce moment qu'un poulet mort a atterri sur le rocher qui menait à la descente du chemin.Il avait accepté de nous accorder un peu de son aide,finalement.Le poulet grillé était mon plat préféré,à l'époque,le goral m'avait épargné la tâche de le tuer,et j'étais ravie de le faire cuire.

-Il faut qu'on descende un peu dans la brume,a d'abord conseillé Ania,la fumée sera dissimulée.

Nous avions dégusté les ailes de la bestiole en écoutant Waldek nous faire part de l'une de ses idées.

-Quand on aura survécu,on fera des reportages sur nous.Quand j'étais plus jeune,j'espérais devenir journaliste à la radio de Varsovie,et parler de...trucs.Plus tard,je me ferais le porte parole du malheur des juifs au travers de notre expérience.Et conserver le patrimoine juif.Tout va changer à ce niveau là Sara j'espère que tu le sais.

J'étais consciente,merci,de la disparition de ce pourquoi mes parents ont été tués;et je ne me consolerai jamais en me prétendant heureuse qu'ils ne soient pas là pour voir ça.Un tel patrimoine ne saurait mourir dans un monde où ils existeraient encore.Qui,bizarrement,nous tenait plus à coeur que la vie de millions d'inconnus.Je ressentais pour eux la même tristesse que devant la mort d'étrangers massacrés dans d'autres nations et qui n'étaient pas juifs non plus.Je me suis enfoncée encore un peu plus profondément dans ces gorges comme si j'étais en vacances.J'ai réfléchi à ce qu'il avait dit,et je me suis sente de plus en plus comme la "Isenberg qui a survécu".Mon dieu,qu'attends-tu de moi?

-T'avais raison,a fait Ania.Il pleut dans la vallée.

-Je propose qu'on rejoigne la forêt qui entoure la rivière.La vallée est plus large là-bas.

-Elle est surtout pleine de gardes-frontières.

-Come on baby,peut-on encore parler de frontière?Officiellement tout est en Allemagne.

Nous nous sommes glissés dans l'épaisseur des bouleaux resserrés autour d'un tapis de feuilles mortes qui nous guidaient au petit ruisseau brun et vert de la vallée.La luminosité baissait déjà considérablement,mais elle était pourtant beaucoup plus colorée maintenant que la brume s'était levée.La bise est venue.L'endroit était si beau que j'ai pensé qu'on ne pouvait pas nous voir et j'ai proposé qu'on passe la nuit ici.Aniela a délicatement posé sa tête sur mes genoux de façon à ce que je la caresse,ce que j'ai fait,et je leur ai proposé,la gorge nouée,de leur chanter une chanson.

-fais donc,ma jolie,a répondu Waldek,je suis tout ouï.

-Jusz lato odeszlo i kwiaty przekwitly...

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant